Les taxis accusés d’actes de vandalisme contre Uber au Kenya

Les chauffeurs de taxi en grève parlent aux agents de police d'émeute à côté d'une cabine avec des affiches portant la mention "Stop Uber, hors la loi", lors d'une manifestation de chauffeurs de taxi à Paris, France, le 25 juin, 2015

Au Kenya, pays féru de nouvelles technologies, Uber a fait une entrée fracassante sur le marché en 2015, au grand dam des chauffeurs de taxi, accusés de répliquer en multipliant les actes de vandalisme et les agressions envers leurs concurrents.

La société californienne de voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) a fait son apparition au Kenya en janvier 2015, à Nairobi seulement, et a rapidement trouvé son public, que ce soit les nombreux expatriés de la capitale ou la classe moyenne kényane.

Voir des gens recourir à leur smartphone pour commander une voiture sur les nombreuses routes en terre que compte encore Nairobi peut paraître incongru. Mais le Kenya est un pays à la pointe en matière de high-tech, avec comme fleuron M-Pesa, un système de transfert d'argent par téléphone mobile.

Uber, née en 2009 à San Francisco et déjà présente dans 371 villes et 68 pays, a rencontré une forte résistance des taxis traditionnels au Kenya, comme ailleurs, en France, au Brésil ou en Afrique du Sud notamment.

Ils accusent Uber de concurrence déloyale avec des prix près de deux fois inférieurs aux leurs à Nairobi, mais ont été accusés ces derniers jours de harceler, dévaliser et brutaliser des chauffeurs Uber, pour la plupart d'anciens taxis, ou de s'attaquer à leurs voitures.

"Une voiture s'est arrêtée devant moi et m'a bloqué l'accès à la sortie. Quelques gars sont sortis et ont lacéré mes deux pneus gauches, avant et arrière", explique à l'AFP Martin, un chauffeur Uber, qui, comme ses collègues, préfère n'être identifié que par son prénom.

'Comme des hooligans'

"Je comprends leur frustration, mais comme pour tout commerce, il faut autoriser la concurrence pour avancer", estime-t-il.

Un de ses confrères, Victor, emploie lui-même pour Uber trois chauffeurs, dont l'un a été agressé. "Ils l'ont éjecté de la voiture. Il a été tabassé et on lui a pris de l'argent et son téléphone", raconte-t-il à l'AFP, avant d'évoquer plusieurs incidents similaires.

"La plupart des chauffeurs Uber ont peur. Pendant la journée, il n'y a pas d'incident. Mais la nuit, il y a des intimidations, des menaces. Nous n'avons aucun moyen d'assurer notre sécurité. Certains de ces chauffeurs de taxi se comportent comme des hooligans."

La police kényane a reconnu avoir reçu de "nombreuses plaintes de chauffeurs Uber" pour harcèlement et agression et a assuré prendre cette affaire "très au sérieux", selon un porte-parole, Charles Owino.

Le ministère de l'Intérieur a lancé "une forte mise en garde à l'encontre des responsables de ces attaques", prévenant que "des actes aussi barbares ne seront pas tolérés".

Uber, compagnie valorisée à plus de 50 milliards de dollars et présente dans cinq pays africains (Egypte, Maroc, Afrique du Sud, Nigeria et Kenya), a pour sa part veillé à ne pas jeter de l'huile sur le feu.

Ultimatum des taxis

"Nous discutons depuis l'an passé avec les associations de taxis pour trouver le moyen d'engager un partenariat. Nous ne pensons pas que cela devrait être Uber ou taxi, mais plutôt Uber et taxi", a-t-elle indiqué dans un communiqué.

Les taxis, eux, ont lancé mercredi un ultimatum au gouvernement, lui donnant sept jours pour faire fermer ses portes à Uber, sans quoi ils menacent de paralyser le transport routier à Nairobi, déjà très difficile en temps normal.

Job Nzioka, le secrétaire national de la principale association de taxis, a nié les agressions. "Sur le terrain, nous n'avons pas été témoins d'attaques contre les voitures Uber", a-t-il assuré à l'AFP, estimant les chauffeurs de taxi "assez mûrs, respectueux des règles et disciplinés" pour ne pas se livrer à ces pratiques.

D'un côté comme de l'autre, on s'accuse mutuellement de ne pas respecter la réglementation. Mais chez Uber, on voit la résistance des taxis avant tout comme un refus de s'adapter à la modernité.

"Il est très difficile de se battre contre la technologie", estime pour l'AFP un autre chauffeur Uber, Daniel. "La seule manière de survivre avec l'arrivée de la technologie c'est de l'adopter, parce qu'on ne peut pas être ramené au passé".

"C'est malheureux que la plupart des gens opposés à Uber ne comprennent pas son concept. Uber est une plateforme ouverte. Uber ne ferme ses portes à personne. Tout le monde est le bienvenu", dit-il, tout en espérant qu'avec un peu "d'ouverture d'esprit" ce conflit pourra être réglé.

Avec AFP