Les organisations de la société civile et les victimes de crimes et répression sous le régime de Hissène Habré au Tchad ont appris, avec stupéfaction et désolation, la mort de celui qui avait géré le pays d’une main de fer de 1982 à 1990.
Décédé à 79 ans au Sénégal, l'ancien président tchadien avait été condamné à la prison à vie en mai 2016 pour crimes contre l'humanité par les Chambres africaines extraordinaires, une juridiction créée suite à un accord entre le Sénégal et l'Union africaine. Des chambres qu'il a récusées et devant lesquelles il a refusé de se défendre durant tout le procès.
"Sa mort devrait plutôt interpeler les autorités sénégalaises et tchadiennes et même l’Union africaine pour que sur toute la ligne, le processus d’indemnisation soit un peu accéléré, parce que jusque-là les biens de Hissène Habré ne sont pas saisis et les victimes ne peuvent pas continuer à se nourrir de promesses", a déploré Clément Dokot Abaifouta, président de l’association des victimes et crimes sous le régime de Hissène Habré.
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"Ce n’est pas une mendicité mais une question de droit et les victimes attendent toujours leurs indemnisations", a déclaré à VOA Afrique Mme Naomie, malade, couchée sur le lit. "Je suis vraiment humain mais son décès ne me dit rien du tout", ajoute-t-elle.
Pour le défenseur des droits de l’homme Dobian Assingar, qui faisait partie de ceux qui ont accompagné les victimes dans toutes leurs démarches ayant abouti à la condamnation de Hissène Habré, la mort d’un être humain ne peut pas être une occasion de réjouissance.
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Pour lui, "les défenseurs des droits de l’homme se sont battus pour que chaque être humain soit en vie, y compris Hissène Habré lui-même". "Mais comme il a causé du tort à la société tchadienne, nous lui avons porté plainte pour qu’il puisse répondre de ses actes mais nous ne l’en voulons pas jusqu’à la mort", a précisé Dobian Assingar.
"Pour nous, toutes les vies humaines se valent que ce soit pour lui ou tous ceux qui ont péri dans les geôles de son règne. Nous aurions souhaité que tout le monde soit en vie et lui particulièrement afin que tout le tort qu’il a créé à la société tchadienne puisse servir de leçon à ceux qui dirigent le Tchad aujourd’hui et nous sommes prêt à le faire", a-t-il averti.
Pour Jacqueline Moudeina, avocate des victimes, la mort de Hissène Habré ne peut pas empêcher le Tchad d’honorer ses engagements vis-à-vis des victimes.
"Le dossier doit être repris après quelques semaines la gestion de ce décès, car les victimes attendent d’entrer dans leurs droits et le plus rapidement possible", explique l'avocate.
Pour rappel, une commission d’enquête tchadienne a estimé à 40.000 morts le nombre personnes tuées durant la présidence de Hissène Habré. Parmi ces victimes, 4.000 ont été nommément identifiées.
Le tribunal l'avait condamné à indemniser plus 7.000 victimes à hauteur de 82 milliards de FCFA. L'État tchadien doit aussi verser 50% de ce montant.
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