Liberté de la presse: tollé après des propos du ministre de l'Intérieur français

Des communiqués de presse sont présentés le 25 avril 2018 à Paris lors d'une conférence de presse de Reporters sans frontières (RSF) pour présenter son indice mondial de la liberté de la presse pour 2018.

Le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin a provoqué un tollé dans la presse en estimant que les journalistes devaient prévenir les autorités avant de couvrir une manifestation, avant de rétropédaler en soulignant qu'il ne s'agissait pas d'une "obligation".

La déclaration de M. Darmanin a alimenté la tension entre l'exécutif et un collectif de plusieurs dizaines d'organisations (syndicats de journalistes, associations de défense des droits humains, sociétés et collectifs de journalistes, de réalisateurs de documentaires...) qui dénonce une proposition de loi sur la "sécurité globale", examinée depuis mardi par l'Assemblée nationale.

Cette proposition de loi limite notamment la diffusion d'images de policiers en opération, une disposition considérée par les médias et les défenseurs des droits de l'Homme comme une possible entrave au droit à l'information.

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D'autant qu'elle intervient après la publication en septembre d'un nouveau "schéma national de maintien de l'ordre" (SNMO), document destiné aux gendarmes et policiers, qui rappelle que "le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d'associations". Les journalistes estiment qu'ils ne peuvent ainsi plus couvrir les fins de manifestations et les éventuelles violences qui se produisent à ce moment-là.

Dans plusieurs villes de France, des milliers de manifestants ont protesté mardi contre la nouvelle proposition de "loi liberticide" et, à Paris, une trentaine de personnes ont été interpellées, dont plusieurs journalistes qui se sont vu opposer les nouvelles règles du SNMO.

Un journaliste de la télévision publique France 3 qui filmait ces interpellations a passé 12 heures en garde à vue.

Interrogé mercredi à ce sujet, M. Darmanin a alors estimé que les journalistes "doivent se rapprocher des autorités" en amont des manifestations qu'ils veulent couvrir afin de pouvoir en "rendre compte" et "faire (leur) travail" en étant "protégés par les forces de l'ordre".

Ces déclarations ont fait bondir des journalistes, nombre d'entre eux interpellant le ministre sur Twitter pour souligner que la couverture de manifestations sur la voie publique était libre et ne pouvait être subordonnée à une "accréditation" auprès de la préfecture.

La nouvelle loi sur la sécurité globale prévoit des mesures destinées à répondre aux récriminations des syndicats policiers, qui se plaignent de menaces et agressions de plus en plus fréquentes.

La disposition la plus polémique est son article 24 qui entend pénaliser par un an de prison et 45.000 euros d'amende la diffusion de "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" d'un policier ou d'un gendarme en intervention lorsque celle-ci vise à porter "atteinte à son intégrité physique ou psychique".

Le Collectif StopLoiSécuritéGlobale dénonce une mesure qui s'appliquera non seulement aux médias mais à tout citoyen qui photographiera ou filmera une opération policière. Il fait aussi valoir que plusieurs cas de violences policières ont été dévoilés grâce à des captures vidéo ou photo des incidents.

Jeudi, l'entourage de M. Darmanin a fait savoir que le ministre allait proposer d'amender le texte pour garantir la liberté de la presse. Pas question pour autant de supprimer l'article polémique: "C'est tranché, il n'y a pas de suppression", a affirmé à l'AFP une source proche du dossier.