Les combats à Syrte rythmés par les capacités d'un hôpital

Un combattant des forces libyennes et un membre de l'ONU courent pour se protéger avec un autre combattant tout en portant sur son dos un homme lors de la bataille contre le groupe État islamique à Syrte, Libye, le 31 juillet 2016.

Dans la ville libyenne de Syrte, que les forces loyalistes tentent depuis trois mois de reprendre aux jihadistes, le rythme des combats est davantage dicté par la capacité d'accueil du seul hôpital de Misrata, à 200 km de là, que par des considérations tactiques.

"La situation sur le front dépend de ce qui se passe (ici) et de la capacité du personnel médical et soignant à faire face à l'afflux des blessés", explique à l'AFP le docteur Akram Gliwan, porte-parole de l'Hôpital central de Misrata (HCM).

"Le nombre de lits est limité dans cet hôpital, l'unique dans cette ville qui compte 500.000 habitants", située à mi-chemin entre la capitale Tripoli et Syrte et où les forces du gouvernement d'union nationale (GNA) ont établi le siège du commandement de leurs opérations militaires.

Les forces loyalistes sont entrées le 9 juin à Syrte et ont réussi depuis à reprendre plusieurs secteurs clés dans ce fief du groupe Etat islamique en Libye, dont le QG des jihadistes avec le soutien de l'aviation américaine.

Mais elles sont ralenties notamment par les contre-attaques meurtrières des jihadistes.

Jeudi encore, au moins dix soldats ont été tués dans deux attentats suicide à la voiture piégée. Dans la seule journée de mardi, les jihadistes avaient mené neuf attaques suicide pour tenter de maintenir leurs positions dans un quartier qu'ils ont finalement perdu.

'Entassés à l'accueil'

Les blessés côté gouvernemental sont évacués vers deux hôpitaux de campagne entre Misrata et la ligne de front puis vers l'Hôpital central de Misrata, d'une capacité de 120 lits seulement.

"Nous sommes obligés de placer les cas de soins intensifs en unité de surveillance continue (USC) et ceux de l'USC en chirurgie", explique debout dans le hall d'accueil le chirurgien de 34 ans en montrant du doigt les rangées de lits qui attendent l'arrivée de blessés du front.

"Un jour, nous avons eu 160 blessés (...) et ce mercredi nous en avons accueilli 97", raconte le Dr Gliwan, préoccupé par les capacités réduites de "l'hôpital que nous devons veiller à +vider+ avant l'arrivée d'un nouveau groupe de blessés", conformément aux instructions des autorités militaires.

Mais "le bloc opératoire ne désemplit pas", s'inquiète-t-il.

Lors de sa visite le 29 mai, l'émissaire de l'ONU pour la Libye, Martin Kobler, avait été bouleversé de voir les blessés des combats à Syrte entassés à l'accueil, se rappelle Dr Gliwan.

"C'est choquant de constater les capacités limitées de (l'HCM) au point où ils doivent utiliser l'aire d'accueil par manque de place", avait écrit ce jour-là Martin Kobler sur son compte Twitter, photos à l'appui.

Plus de deux mois après cette visite, la situation n'a pas beaucoup changé: des rangées de lits aux draps bleus encombrent l'aire d'accueil qui, en quelques minutes, se transforme en bloc opératoire dès que les blessés arrivent du front.

Étudiants bénévoles

Mais l'hôpital manque aussi de médecins et de personnel soignant. Beaucoup, originaires d'Inde, des Philippines ou d'Europe de l'Est, ont quitté le pays en raison du conflit et ceux qui restent sont désormais répartis dans les deux hôpitaux de campagne et l'Hôpital central.

"La seule option est de recourir à des bénévoles parmi les étudiants des facultés de médecine ou dentaire, et de l'école d'infirmiers", explique le Dr Gliwan.

Ali Khalil est l'un de ces bénévoles. Depuis deux mois, ce professeur de biologie est "infirmier" avec des horaires à plein temps assortis de longues heures supplémentaires. "Je n'ai pas fermé l'oeil depuis 24 heures", confie-t-il à l'AFP.

Plus de 350 combattants loyalistes ont péri et plus de 1.900 ont été blessés depuis le début le 12 mai de l'offensive pour reprendre Syrte, selon un bilan officiel.

Syrte a été "complètement vidée de ses habitants", seules y demeurent les familles des jihadistes, avait assuré mardi le général Mohamad al-Ghassri, porte-parole des forces pro-GNA, un photographe de l'AFP confirmant ne pas avoir vu de civils dans la ville.

Pris pour cible par un sniper, le soldat Mahmoud ben Aicha se fait soigner pour une blessure à la main: "J'ai vu le sniper, seul un bâtiment nous séparait", raconte ce jeune de 22 ans.

De nombreux soldats ont été piégés par des engins explosifs posés par les jihadistes: Mohamed Abou Qreina, 28 ans, a ainsi été blessé à la jambe et à la main tandis que son frère périssait sous ses yeux, tué par une mine.

Les capacités réduites de l'HCM "sont l'une des causes du ralentissement de la bataille", confie le général Ghassri. "On ne peut lancer une nouvelle offensive avant de s'assurer qu'il y a suffisamment de lits à l'hôpital."

Avec AFP