Loi agricole: le Brésil porte plainte contre les Etats-Unis

Les Etats-Unis viennent tout juste de se doter d’une nouvelle loi régissant leurs subventions à l’agriculture, la « Farm Bill », mais déjà, des voix s’élèvent pour protester. Le Brésil notamment affirme que la législation accorde une protection déloyale aux producteurs américains.

L’encre avait à peine séchée que la controverse éclatait, même ici aux Etats-Unis, où le Washington Post déplorait, dans un éditorial fort sec, la générosité du gouvernement fédéral vis-à-vis des exploitants agricoles.

Si la nouvelle législation a entériné la suppression des paiements directs aux cultivateurs, elle a gonflé en échange les mécanismes de garanties contre les chutes des cours et des revenus, ainsi que les programmes subventionnés d'assurance, souscrits par les agriculteurs contre la volatilité des prix et les catastrophes naturelles.

L'Etat fédéral va donc subventionner ces primes d'assurance payées par les exploitants à hauteur d’environ 60 % de leur coût en moyenne.

Le Brésil s’est indigné, ravivant une controverse qui dure en fait depuis 2002, lorsque ses producteurs de coton – et ceux des autres pays en développement – pâtissaient du soutien des Etats-Unis aux agriculteurs.

A l’époque, explique l’économiste Daniel Sumner de l’Université de Californie à Davis, il y avait des moments où les producteurs de coton recevaient plus de la moitié de leurs revenus du gouvernement américain. Impossible pour les autres pays de tenir le coup.

C’est ainsi que le Brésil a porté plainte à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les Etats-Unis ont perdu, ils ont interjeté appel. Ils ont encore perdu.
Washington ayant refusé de modifier ses subsides, l’OMC a invité le Brésil à adopter des sanctions, c’est à dire à imposer des tarifs aux importations en provenance des Etats-Unis. Le problème, explique M. Sumner : cela pénaliserait également les consommateurs brésiliens.

Le Brésil a opté pour une autre mesure, en menaçant de suspendre les protections à la propriété intellectuelle couvrant les logiciels, produits pharmaceutiques ou films américains. Des centaines de millions de dollars étant en jeu, Washington a cédé. En 2010, un accord est intervenu, peu avant l’adoption de la nouvelle loi sur l’agriculture.

La substitution d’énormes subventions aux primes d'assurance aux paiements directs aux cultivateurs de coton n’arrangent rien, estime le leader de l’association des producteurs brésiliens de coton, Gilson Pinesso.

« Avec ce type d'assurance, les producteurs américains recevront des paiements quelle que soit leur productivité, les risques météorologiques, ou la qualité » déplore M. Pinesso.

Les producteurs américains de coton ont toutes les raisons de produire au maximum, vu que cela fera baisser les prix et qu’ils toucheront alors les primes d’assurance, ajoute-t-il.

Résultat: le Brésil porte plainte à nouveau contre les Etats-Unis auprès de l’OMC. Ce qui ne semble pas inquiéter outre mesure le principal groupe de pression des agriculteurs américains, l’American Farm Bureau Federation.

« Les programmes d'assurance-récolte sont autorisés par l'OMC. Je suis sûr que le Brésil va dire qu'il ne correspond pas exactement à ce qui était envisagé. Mais je suis assez confiant que l’OMC va décider que nous avons donné dans le but », a affirmé M. Moore.

A noter néanmoins que de nombreux économistes ont qualifié la nouvelle loi sur l’agriculture de « pas en arrière » qui pourrait infliger, à terme, de plus grands dommages aux exploitants agricoles des pays en développement que l’ancienne loi.