Loin de Khartoum, des familles déplacées retrouvent "le goût de vivre"

Des passagers fuyant les combats à Khartoum se rassemblent à la gare de la capitale, le 19 avril 2023.

Un immense sourire accroché aux lèvres, Alchafie glisse à sa fillette un billet pour qu'elle s'achète un jouet. Après l'embrasement de sa ville Khartoum samedi, ce Soudanais a pu sauver la tradition de l'Aïd al-Fitr, après être parvenu à fuir la capitale.

Au milieu des combats, sous les tirs croisés des militaires et des paramilitaires qui ont tué plus de 400 personnes et blessé des milliers d'autres, ce père de famille confie à l'AFP qu'il était "perdu".

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"Jusqu'à ce que mon collègue Mokhtar me propose de partir avec lui jeudi soir". Direction le sud, et l'Etat d'al-Jazirah, immense étendue entre le Nil bleu et le Nil blanc connue pour ses terres fertiles et ses champs de coton. Profitant d'une brève accalmie dans les combats, des milliers d'habitants de Khartoum, comme la famille d'Alchafie, ont emporté à la va-vite quelques affaires et téléphoné à des proches, parfois éloignés, des amis ou des collègues.

Puis, assurés d'être hébergés dans une maison ou même juste une chambre, ils ont pris la route après avoir vérifié la quantité d'essence qu'il restait dans le réservoir de la voiture tant le carburant devient chaque jour plus cher et plus rare. Il sont partis loin de Khartoum où l'eau courante et l'électricité ont quasiment disparu, où réussir à joindre quelqu'un au téléphone relève du miracle et où la nourriture commence à manquer un peu partout.

Solidarité

Entre cadavres, blindés calcinés et combattants en armes, ils ont dû résister à la peur, à l'impatience d'arriver et aux souvenirs qui remontaient alors qu'ils quittaient leur maison familiale avec, dans un coin de la tête, la crainte de ne jamais la revoir.

Mais il fallait partir loin des raids aériens de l'armée, des mitrailleuses anti-aériennes des paramilitaires et de leurs chefs: les généraux rivaux Abdel Fattah al-Burhane et Mohamed Hamdane Daglo désormais en guerre ouverte pour le pouvoir. Une fois arrivé dans un des villages d'al-Jazirah, le coeur d'Alchafie a cessé de battre à cent à l'heure.

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A Khartoum, comme les cinq autres millions d'habitants, il vivait dans le fracas, permanent depuis samedi, des explosions et autres rafales qui font sursauter enfants traumatisés et parents ravagés par l'impuissance. "C'est la première fois (depuis des jours) qu'on arrivait à dormir", affirme ce Soudanais. "La seule chose qu'on entend ici, ce sont les informations sur Khartoum à la télévision", avec chacun qui guette des images de son quartier.

En voyant les terribles scènes à la télévision ou sur leurs portables, des habitants d'al-Jazirah ont voulu aider les habitants de la capitale. Ils ont posté en ligne leurs numéros de téléphone, les voitures qu'ils pouvaient mettre à disposition et les indications pour rejoindre depuis chaque quartier l'autoroute qui relie Khartoum à leur Etat.

Désormais à l'abri, les nouveaux arrivants, se joignant aux habitants de la région, ont mis leurs soucis de côté ce vendredi car c'est jour de fête, celle qui marque la fin du mois de jeûne du ramadan, le jour des enfants, des cadeaux et des parcs de jeux. Alors, à une centaine de kilomètres de Khartoum et de son enfer, le parc d'attractions local est bondé.

Abdelhamid, 44 ans, est venu avec ses enfants. Ensemble, ils sont sortis des quartiers est de Khartoum mercredi pour s'installer chez un cousin à al-Jazirah, où il se réjouit qu'il n'y a "pas d'explosions, pas d'avions". "En arrivant ici, on a retrouvé le goût de vivre", dit-il, semblant presque ne pas y croire.