Malgré les sanctions, les armes ont continué à affluer au Soudan du Sud, selon une ONG

Le président Salva Kiir (à droite) et le chef des rebelles sud-soudanais, Riek Machar (à gauche), Addis-Abeba, le 12 septembre 2018.

Même s'il est soumis à des embargos sur les armes, le Soudan du Sud, en guerre civile depuis décembre 2013, a continué à recevoir de l'armement, qui a transité le plus souvent par des pays voisins, selon un rapport de l'ONG britannique Conflict Armament Research (CAR) publié jeudi.

Au terme d'une enquête de quatre années, CAR a établi comment des pays de la région, en particulier l'Ouganda, avaient contourné les embargos pour alimenter en armes les protagonistes de la guerre au Soudan du Sud, qui a fait plus de 380.000 morts selon une étude récente.

Si le Conseil de sécurité des Nations unies a attendu juillet 2018 pour imposer un embargo sur les armes au Soudan du Sud, l'Union européenne (UE) avait interdit dès 1994 à ses États membres de vendre directement des armes au Soudan. Elle avait amendé cet embargo pour inclure le Soudan du Sud à son indépendance du Soudan en 2011.

Malgré tout, l'armée gouvernementale, l'Armée de libération du peuple soudanais (SPLA), n'a jamais été à cours d'armement et a continué à recevoir des armes fournies par l'Ouganda et provenant parfois d'Europe ou des États-Unis, explique CAR.

Les rebelles de la SPLA-IO (SPLA en opposition) ont éprouvé beaucoup plus de difficultés à se doter en armes et ont souvent dû se contenter de celles prises à l'ennemi, ajoute l'ONG dans son rapport.

Le directeur général de CAR, James Bevan, a indiqué que son organisation avait mené "une enquête exhaustive, de terrain, sur le type d'armement utilisé", qui l'avait amenée à recenser des centaines d'armes et plus de 200.000 munitions.

"Le résultat, c'est une photographie scientifique de la manière dont l'interdiction sur les transferts d'armes aux parties en guerre a échoué", a-t-il estimé.

- Le role de l'Ouganda -

CAR souligne que, malgré les accusations et rumeurs, aucune arme d'origine chinoise n'est arrivée au Soudan du Sud après mai 2014.

Mais avant cela, la SPLA avait légalement reçu, via Mombasa au Kenya, deux larges cargaisons d'armes chinoises, dont l'une incluait plus de 27 millions de munitions de petit calibre, des roquettes, des grenades, des missiles, des fusils d'assaut et des mitrailleuses.

Après l'arrivée de ces cargaisons, plus de 50% des munitions en circulation au Soudan du Sud étaient d'origine chinoise, contre "moins de 2%" auparavant, remarque CAR.

"La conclusion logique est que les 27 millions de munitions de petit calibre transférées légalement par la Chine à la SPLA en 2014 ont permis à la SPLA de continuer ses opérations dans les années qui ont suivi", indique le rapport.

Dans le même temps, l'Ouganda "a continué à être un conduit pour le matériel" destiné à la SPLA, ajoute l'ONG. Le président ougandais Yoweri Museveni est un ardent soutien de son homologue sud-soudanais Salva Kiir.

Kampala est accusé par CAR d'avoir fourni au Soudan du Sud des armes qu'il avait reçues légalement de sociétés européennes et américaines en 2014 et 2015, très probablement sans que celles-ci en aient été informées.

Ce faisant, l'Ouganda aurait contrevenu à des clauses censées garantir que les armes soient utilisées par les pays vers lesquels elles sont initialement expédiées.

CAR dit avoir également découvert des preuves de ventes d'armes par le Soudan à la SPLA-IO - ce que les observateurs soupçonnaient depuis longtemps -, mais pas récentes.

L'étude montre aussi combien les rebelles de l'ancien vice-président Riek Machar ont été isolés et ont eu du mal à se fournir en armes.

"Malgré les accusations lancées par la SPLA en 2017, CAR a trouvé peu d'indications d'un réapprovisionnement externe de la SPLA-IO depuis la mi-2015", note-t-elle.

Les efforts de M. Machar au début 2014 pour se faire livrer une "liste de courses" censée inclure 43 millions de munitions, des mortiers, des roquettes, des fusils et des missiles sol-air ont échoué.

A la place, les rebelles ont dû se contenter des armes prises à l'ennemi sur les lieux de combat.

Avec AFP