Le président malien de plus en plus contesté face à une insécurité grandissante

Le président IBK parle à la population à Bamako, le 14 décembre 2019. (VOA/Kassim Traoré)

Les rivaux politiques du président malien Ibrahim Boubacar Keita ont réuni leurs partisans vendredi pour une grande manifestation à Bamako.

Une coalition d'hommes politiques, de religieux et de la société civile au Mali, a lancé vendredi un ultimatum au président Ibrahim Boubacar Keita ("IBK") pour qu'il démissionne, lors d'une manifestation de plusieurs dizaines de milliers de personnes à Bamako.

"Nous sommes ici pour demander la démission du président IBK", a lancé Issa Kaou N'Djim, un responsable du Rassemblement des forces patriotiques du Mali, à l'initiative de la manifestation sur la Place de l'Indépendance, dans la capitale malienne.

Élu en 2013 et réélu en 2018 pour cinq ans, le président Keïta est soutenu par plusieurs puissances occidentales, qui saluent notamment son engagement ferme dans la lutte contre la violence jihadiste.

La foule des manifestants a été estimée à 20.000 personnes par une source policière et à un million par les organisateurs.

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Ces derniers sont réunis dans une nouvelle alliance formée d'un mouvement ayant à sa tête l'imam charismatique Mahmoud Dicko, du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) qui regroupe des partis d'opposition dont le principal d'entre eux, et d'Espoir Mali Koura (EMK), un mouvement de la société civile dirigé par le cinéaste et ancien ministre de la Culture Cheick Oumar Sissoko.

Dans une déclaration commune publiée le 26 mai, le trio avait dénoncé “la gouvernance chaotique et prédatrice” du pouvoir, selon le quotidien national L’Essor.

Vendredi, la coalition tripartite a rempilé. "Nous condamnons la mauvaise gestion du régime, les malversations, les détournements, le mensonge", a déclaré, tout de blanc vêtu et coiffé d'un turban, l'imam Dicko, lors de cette manifestation encadrée sans incident majeur par la police.

La manifestation de vendredi est la plus grande depuis celle que l'imam Dicko avait organisée en avril 2019. A l'époque, il avait lancé un appel à la démission du Premier ministre d'alors, Soumeylou Boubèye Maiga, qui avait rendu son tablier quelques jours tard, après la tuerie de quelque 160 civils peuls à Ogossagou (centre) et une série de manifestations contre la gestion de l'Etat.

L'imam, qui souscrit à un islam rigoriste, fut autrefois proche du président Keita. Récemment entré en politique, il est devenu un critique vigoureux du pouvoir.​

Appel à libérer Soumaïla Cissé

"7 ans de pouvoir, ça suffit", "IBK dégage", pouvait-on lire sur des pancartes de manifestants munis de vuvuzelas, ont constaté des des journalistes de l'AFP.

Des banderoles réclamaient aussi la libération de l'ex-Premier ministre et principal opposant Soumaïla Cissé, enlevé le 25 mars alors qu'il était en campagne pour les élections législatives dans sa région d'origine du centre du Mali. Le scrutin avait été remporté par le pouvoir et une grogne populaire s’en est suivi.

La nouvelle alliance composite a appelé vendredi "à la mise en oeuvre de toutes les actions nécessaires pour la libération de l'honorable Soumaila Cissé". M. Cissé serait détenu par des jihadistes, selon des sources locales et de sécurité.

L'insécurité persiste malgré une forte présence militaire

Le Mali est en proie depuis 2012 à une profonde crise multiforme, sécuritaire, politique, économique.

Les insurrections indépendantistes, puis jihadistes menées par les groupes liés à Al-Qaïda et à l'Etat islamique, ainsi que les violences intercommunautaires, ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.

Parties du nord du Mali, les violences se sont propagées au centre, puis au Burkina Faso et au Niger voisins. Elles se doublent de toutes sortes de trafics et de vastes pans du territoire échappent à l'autorité de l'Etat.

Ceci malgré des dizaines de milliers de militaires armés.

A commencer par la France, ancienne puissance colonisatrice, qui maintient une forte présence militaire de plus de 5000 hommes dans le cadre de l'opération Barkhane.

De même, la MINUSMA, force onusienne, a déployé plus de 12 000 hommes au Mali, selon le tout dernier rapport du secrétaire général de l’ONU sur la question, dans lequel il note “la complexité des problèmes” auquel le pays fait face.En mars, le Groupe de cinq pays du Sahel (G5 Sahel) a annoncé son entrée dans la dance, avec une première opération régionale.

Malgré ces déploiements massifs, l’insécurité persiste et le ressentiment des populations aussi. L'annonce vendredi de la mort du leader d'Al Qaïda au Maghreb islamique, l'Algérien Abdelmalek Droukdal, pourrait changer la donne.

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