Franck Diongo est le seul opposant à avoir lancé un appel à manifester pour réclamer le départ du pouvoir du président Joseph Kabila au 19 décembre en dépit du dialogue en suspens jusqu’au 21 décembre.
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"Son arrestation est liée à cet appel-là puisqu’il avait refusé de participer au dialogue et a plusieurs fois critiqué ses amis du Rassemblement d’avoir trahi la volonté du peuple", a indiqué à VOA Afrique Georges Kapimaba, défenseur des droits de l’homme et coordonnateur de l’Association congolaise pour l'accès à la justice. L’opposant transféré au parquet, risque d’être jugé en flagrance, a-t-il prévenu.
Plusieurs autres arrestations ont été enregistrées, selon lui.
"A Lubumbashi, six personnes ont été arrêtées mais quatre ont été relâchées. A Goma, 24 opposants formellement identifiés et un membre de Lucha (Lutte pour le changement) ont également été arrêtés", a relaté M. Kapiamba.
A Lubumbashi, les forces de sécurité ont dispersé lundi soir une manifestation à la commune de Mashipisha et la commune de la Kenya. Un policier a été grièvement blessé après une altercation avec un groupe des militaires. Le policier est entre la vie et la mort.
Comme lui, d’autres sources signalent que des échauffourées ont éclaté dans la matinée à l’Université de Kinshasa où la police a fini par disperser un groupe d’étudiants qui tentaient de lancer un mouvement de protestation.
"Un groupe de trois étudiants a été brièvement interpellé", a pour sa part déclaré Patient Ligodi journaliste à Kinshasa.
Deux chaînes de télévision ont vu leur signales coupés, la CCTV de l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba et la Ralik.
Depuis la nuit dernière, les Congolais sont privés des réseaux sociaux. Les autorités avaient ordonné leur coupure vendredi dernier.
L’opposition n’a pas lancé de mot d’ordre car elle attend les conclusions du dialogue conduit par les évêques catholiques qui ont suspendu les plénières jusqu’à mercredi, pour aller voir le pape.
Faute d’un accord sur l'avenir politique du président Joseph Kabila dont le dernier mandat arrive à la fin le 19 décembre et sur l'étendue des pouvoirs devant être les siens pendant la transition points, les travaux du dialogue n’ont pas été clôturés vendredi comme attendus.
À Goma, toujours selon les informations de VOA Afrique, au moins neuf membres issus des partis de l'opposition auraient également été arrêtés.
À Bukavu, tout est presque à la normal excepté pour les banques et institutions financières qui n’ont pas ouvertes. La circulation est fluide, particulièrement au centre-ville ou les marchés ont ouvert.
Dans la commune de Kadutu, le grand marché n’a pas ouvert. La circulation est très faible. À certains endroits, des policiers sont déployés.
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Dans la cité Uvira, tout est à l'arrêt. Pas d’école, ni de travail. La plupart des gens sont restés chez eux.
Dans la cité de Baraka, en territoire de Fizi, la circulation est normale et une bonne partie des activités se sont déroulées à la normale, tout comme à en territoire de Mwenga.
Coupure internet et solidarité sur les réseaux sociaux
À la veille du 19 décembre, les différents opérateurs ont réduit l'utilisation de certains applications internet. Face à ce bloquage, les Congolais ont trouvé une solution : utiliser un VPN (réseau privé virtuel) pour faire croire que leur appareil n'est pas en RDC, afin d'avoir accès au réseau.
Sur Twitter, par exemple, les Congolais se passent le mot pour rester connecté.
Dans un communiqué, les experts de l'ONU rappelle que qu’ "une mesure de cette ampleur empêche les citoyens d’accéder à leurs droits à l’information et à la communication. Ce droit est particulièrement essentiel en période de débat public et de choix démocratique".
Sur Twitter, un membre de l'équipe de Human Rights Watch en RDC a mis en ligne un tableur qui récapitule ce qui marche ou pas selon l'opérateur, indiquant que cela sera sûrement modifié.
21 décembre pour la reprise du dialogue
Samedi soir, les évêques catholiques de la Conférence épiscopale nationale du Congo ont annoncé la suspension de leur médiation en vue de permettre une sortie apaisée de la crise politique qui ronge le pays depuis la réélection contestée de M. Kabila en 2011.
Appelés à Rome pour une visite au pape prévue de longue date, les évêques congolais ont annoncé une reprise des négociations mercredi, après leur retour.
En RDC, l'accord tant attendu avant le 19 décembre n'a pas été signé. Et les évêques de la Cenco ont renvoyé au mercredi 21 décembre les discussions.
De nombreux points de divergences subsistent en effet entre les signataires de l'accord du premier dialogue et le Rassemblement, coalition de l'opposition qui n'a pas pris part à ce dialogue facilité par le Togolais Edem Kodjo.
Si, côté opposition, on parle d'un échec et on appelle la population à s'assumer, côté majorité présidentielle, on reste confiant quant à l'aboutissement heureux des travaux.
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Chasser Kabila du pouvoir ?
Âgé de 45 ans, M. Kabila est au pouvoir depuis 2001, et la Constitution lui interdit de se représenter. Ses détracteurs l'accusent d'avoir tout fait pour torpiller le processus électoral et de vouloir se maintenir au pouvoir à vie.
Les négociations sous l'égide des évêques sont destinées à permettre l'instauration d'une période de transition politique associant le pouvoir et l'opposition jusqu'à l'élection d'un nouveau président. Elles n'ont avancé sur aucun des points de contentieux les plus importants, et sont censées reprendre mercredi.
Depuis l'annonce de la suspension de la médiation épiscopale, Kinshasa est dans l'expectative de ce qui va se passer, par craintes de violences.
Avant l'ouverture de ces pourparlers, la coalition du Rassemblement constituée autour de l'opposant historique Étienne Tshisekedi avait menacé de jeter la population dans la rue le 19 décembre dans tout le pays pour chasser M. Kabila du pouvoir en cas d'échec des négociations.
Le Rassemblement n'a cependant donné aucun mot d'ordre en ce sens après la suspension des discussions.
Dimanche, sur Twitter, une liste des prisonniers politiques a été publiée :
L'ONU regarde la RDC avec attention
Lundi, les experts de l’ONU ont exhorté le gouvernement à lever les restrictions "abusives" imposées aux manifestants pour éviter la violence.
Des experts des Nations Unies ont demandé aux autorités de lever les restrictions politiques qui, selon eux, portent atteinte aux droits des peuples à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.
Comme le rappelle le communiqué, "ces restrictions incluent une interdiction de facto de tous les rassemblements et réunions publics dans les principales villes du pays".
"Récemment, ces mesures ont touché les mouvements de jeunes citoyens LUCHA et Filimbi, qui visent à promouvoir la participation politique et qui ont lancé une campagne de sensibilisation au respect de la Constitution il y a peu", ont déclaré les experts de l’ONU.
"Ces mesures constituent une violation des conventions internationales relatives aux droits de l’homme auxquelles le gouvernement de Kinshasa est signataire et violent la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme", ont-ils souligné.
"La répression ciblée des voix dissidentes de la société civile et des défenseurs des droits humains est contraire aux principes démocratiques", ont expliqué les experts. "Si la société civile n’est pas autorisée à exercer les droits à la liberté d’expression, à la liberté d’association et à la réunion pacifique, les manifestants vont inévitablement recourir à la violence, pour laquelle seules les autorités devront être blâmées".
Les experts de l’ONU ont déclaré déplorer le fait que les autorités de Kinshasa appliquent deux points deux mesures, permettant aux jeunes pro-gouvernementaux de mener des activités publiques tout en réprimant les voix dissidentes.
Avec Charly Kasereka, envoyé spécial à Kinshasa