Dès son arrivée au ministère de l'Intérieur en juin, Matteo Salvini, patron de la Ligue, a mis en place sa promesse de fermer les ports aux navires secourant des migrants au large de la Libye, qu'ils soient d'ONG, commerciaux ou même garde-côtes italiens.
Il a été aidé par les accords controversés conclus par son prédécesseur de centre gauche pour bloquer les migrants en Libye, mais les résultats sont nets: le ministère fait état de 9.500 arrivées sur les côtes entre juin et novembre, dont les deux tiers par des routes secondaires via la Tunisie, la Turquie ou l'Algérie, contre 57.000 sur la même période l'an dernier.
Parallèlement, M. Salvini a réussi à faire adopter en un temps record un décret-loi très controversé réformant le système d'accueil des demandeurs d'asile et limitant fortement les permis de séjour.
Lire aussi : Le ministre de l'Intérieur italien sous enquête pour séquestration de dizaines de migrants bientôt exonéréFace à la fronde d'une poignée d'élus du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), le gouvernement d'union Ligue/M5S a dû poser la question de confiance au Sénat puis à la Chambre des députés, mais le texte, paru au journal officiel le 3 décembre, est bien en vigueur.
"Les vrais réfugiés ont plus de droits, tandis que ceux qui ne fuyaient pas la guerre mais au contraire apportaient la guerre chez nous en ont beaucoup moins, comme il me semble juste", a résumé M. Salvini cette semaine à la presse étrangère.
Sa principale mesure est d'abolir les permis de séjour humanitaires accordés jusqu'à présents aux personnes vulnérables, familles ou femmes seules avec enfants, victimes de traumatismes pendant leur périple vers l'Italie...
Depuis 2008, plus de 120.000 personnes avaient obtenu un titre de séjour humanitaire, valable deux ans et renouvelable. Leur seul moyen de rester légalement en Italie, même pour les tout jeunes majeurs encore scolarisés, sera de le convertir en titre de séjour pour motif de travail, une procédure très complexe.
Doutes sur la sécurité
Ces dernières années et jusqu'en août, les commissions d'asile ont accordé en moyenne le statut de réfugié à 8% des demandeurs, la protection subsidiaire à 8% et le permis humanitaire à 25%. Suite à des consignes de fermeté de M. Salvini, elles ont anticipé la fin des permis humanitaires, qui sont passés à 17% en septembre, 13% en octobre et 5% en novembre, tandis que les rejets augmentaient en parallèle.
Sur les près de 26.000 demandes examinées pendant ces trois mois, cela représente environ 3.400 déboutés supplémentaires. Au total, entre les permis actuels qui ne seront pas renouvelés et ceux qui ne seront plus accordés, le chiffre de "100.000 clandestins en plus est une estimation basse", explique Valeria Carlini, porte-parole du Conseil italien pour les réfugiés (CIR).
Parallèlement, les possibilités d'expulsions restent très limitées, même si le décret-loi Salvini porte à 180 jours la durée possible de la rétention administrative. Faute d'accords avec les pays d'origine, l'Italie n'a procédé qu'à 6.514 reconduites à la frontière en 2017 et il n'est pas garanti que ce chiffre soit atteint cette année.
Lire aussi : Vote de confiance au Sénat sur une loi anti-migrant en ItalieEt d'autres mesures touchent ceux qui sont déjà bien installés. La durée minimum d'examen des demandes de naturalisation est portée de 2 à 4 ans, les projets d'intégration par la culture sont gelés et le projet de budget 2019 prévoit de réserver la carte famille nombreuses aux citoyens européens et d'instaurer une taxe de 1,5% sur les transferts d'argent hors UE.
Les mesures risquent aussi de supprimer des milliers d'emplois dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile, qui hébergent encore 142.000 personnes (contre 186.000 il y a un an), mais dont les services doivent être réduits au minimum, avec une dotation passée de 35 à 19 euros par jour et par personne.
Des centaines de personnes sont attendues samedi après-midi dans le centre de Rome pour manifester contre le racisme et le décret Salvini sur l'immigration.