Perquisition chez la journaliste d'opposition russe Zoya Svetova

Des membres du FSB lors d'une perquisition dans les bureaux de T Plus, une filiale de Renova, Moscou, Russie, le 5 septembre 2016.

Le domicile d'une des principales journalistes d'opposition de Russie, Zoya Svetova, a été perquisitionné mardi pendant de plus de neuf heures, les autorités assurant enquêter sur une affaire de blanchiment d'argent liée à l'opposant en exil et ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski.

Les enquêteurs, des membres des services spéciaux (FSB) et du Comité d'enquêtes selon Zoya Svetova, ont recopié le disque dur de son ordinateur et sont repartis avec les ordinateurs de ses enfants et le téléphone portable de son mari.

"Je n'ai rien à voir avec le motif officiel de la perquisition. Je considère que cette perquisition ne concerne pas (l'ex-groupe pétrolier de Mikhaïl Khodorkovski) Ioukos mais a pour but d'ouvrir une affaire criminelle contre moi", a-t-elle dénoncé aux journalistes peu après le départ des enquêteurs.

"C'est un acte d'intimidation. Ils veulent me faire peur parce que je travaille pour Open Russia", a ajouté Zoya Svetova. "Manifestement, ils veulent me coller une affaire parce que j'écris sur des thèmes sensibles".

La perquisition a commencé peu après 11H00 (08H00 GMT) et s'est poursuivie jusqu'à 20H00, les enquêteurs ne quittant son domicile que vers 22H00 selon un journaliste de l'AFP sur place.

Le Comité d'enquêtes de Russie a indiqué dans un communiqué avoir perquisitionné chez la journaliste à la recherche de documents "concernant le transfert et l'usage fait en Russie de l'argent volé par M. Khodorkovski et ses complices".

"Une dizaine de personnes ont participé à la perquisition", avait indiqué plus tôt à l'AFP le mari de Zoya Svetova, Viktor Dziadko.

Membre de la Commission officielle de surveillance des prisons pendant plusieurs années, Zoya Svetova, 57 ans, a écrit de nombreux articles dénonçant les mauvais traitements et des cas de torture dans les lieux de détention, sur la base de témoignages de prisonniers.

Connue pour son engagement en faveur des droits de l'homme, elle est une chroniqueuse sévère du système judiciaire russe et a accusé à plusieurs reprises les autorités d'avoir condamné des innocents dans des procès montés de toutes pièces, dans des affaires d'espionnage ou à connotation politique.

Elle collabore régulièrement au site internet Russie ouverte (Open Russia) financé par l'opposant en exil et ancien oligarque Mikhaïl Khodorkovski, au magazine New Times et à la radio américaine Radio Svoboda (Radio Liberty).

Mikhaïl Khodorkovski, ex-patron du groupe pétrolier Ioukos a été condamné en 2005 à 8 ans de camp et à 5 ans supplémentaires en 2011 pour "vol de pétrole et blanchiment d'argent", une affaire qu'il a dénoncé comme un règlement de comptes organisé par le Kremlin. Gracié en 2013, il vit aujourd'hui à Londres.

"La perquisition chez Zoya Svetova, l'une des journalistes et défenseures des droits de l'homme les plus respectées en Russie, suscite l'incompréhension et l'inquiétude", a réagi le représentant à Moscou d'Amnesty International, Sergueï Nikitine.

Plusieurs militants de l'opposition, dont l'écrivain Lioudmila Oulitskaïa et l'ancien dissident soviétique Alexandre Podrabinek, se sont rendus au domicile de Mme Svetova mais n'ont pas été autorisés à entrer, selon des journalistes de l'AFP sur place.

"Il s'agit de faire pression sur elle. Elle fait un travail remarquable, elle a aidé énormément de gens", a déclaré à l'AFP Lioudmila Oulitskaïa.

Lauréate à deux reprises du Prix Sakharov pour le journalisme, décerné en Russie par des journalistes et défenseurs des droits de l'Homme, Zoya Svetova est la fille de deux dissidents et anciens prisonniers politiques de l'époque soviétique, Felix Svetov et Zoya Khrakhmalnikova. Elle est ausi la petite-fille de l'historien Grigori Fridland, fusillé en 1937 pendant les purges staliniennes.

Avec AFP