M. Netanyahu quitte Jerusalem en proie à un fort regain de tension, après une attaque anti-israélienne vendredi dans la Vieille ville qui a entraîné la fermeture de l'Esplanade des Mosquées.
Le dirigeant israélien, déjà sous le coup de deux enquêtes, laisse également derrière lui des ennuis qui s'amoncellent, notamment une affaire de corruption présumée liée à l'achat de sous-marins allemands qui impliquerait ses proches.
Sa venue en France pour commémorer le 75e anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv, une des taches les plus sombres de l'histoire contemporaine française, fait grincer quelques dents, certains dénonçant "un mélange des genres" ou "une instrumentalisation" des juifs français.
L'association UJFP (Union juive française pour la paix) se dit ainsi "choquée" qu'un dirigeant israélien soit convié à la commémoration d'un "crime contre l'humanité franco-français". Le Parti communiste a également protesté, estimant que M. Netanyahu n'était pas porteur d'un "message de paix".
Les 16 et 17 juillet 1942, la police française a raflé plus de 13.000 juifs à Paris, y compris des milliers d'enfants que les nazis n'avaient pas réclamés. Entassés pendant 4 jours dans des conditions inhumaines au Vélodrome d'Hiver, un stade de cyclisme, ils furent déportés à Auschwitz. Moins d'une centaine de personnes en revinrent.
A l'issue de la cérémonie dimanche matin, M. Netanyahu, qui n'est pas venu en France depuis la grande marche contre le terrorisme après les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher en janvier 2015, aura un entretien bilatéral avec M. Macron.
Dans une "note" à destination de la presse, l'Elysée a indiqué samedi que cette visite devait permettre de "rappeler l'importance de la laïcité et la lutte inconditionnelle contre toute forme d'antisémitisme".
Pour le dirigeant israélien, ce sera aussi l'occasion de tester son interlocuteur sur les intentions de la France concernant le rôle qu'elle entend jouer sur le dossier israélo-palestinien, ou sur son attitude vis-à-vis de l'Iran, bête noire d'Israël.
L'Elysée a indiqué que l'entretien permettrait de "signifier notre absence de complaisance envers l'Iran, en particulier concernant la position iranienne sur Israël".
- 'redoutable animal politique' -
"Sur le conflit israélo-palestinien, la ligne est encore assez floue", estime Jean-Paul Chagnollaud, spécialiste de la question palestinienne.
M. Macron, qui a reçu récemment à l'Elysée le président palestinien Mahmoud Abbas, a bien réitéré le soutien de la France à la solution à deux Etats et sa condamnation de la colonisation israélienne, deux axes traditionnels de la diplomatie française sur ce sujet.
Mais il n'a pas dit s'il entendait relancer l'initiative française de son prédécesseur François Hollande, qui prônait une approche internationale du conflit et avait organisé en janvier 2017 une conférence internationale sur le Proche-orient, provoquant l'ire d'Israël.
"Netanyahu est un redoutable animal politique et veut s'assurer que la France n'interviendra pas davantage", analyse M. Chagnollaud, qui rappelle également que les prédécesseurs de M. Macron, Nicolas Sarkozy puis François Hollande, "ont espéré avoir de bons rapports avec M. Netanyahu et ont déchanté assez vite".
Jeudi, l'historien israélien Zeev Sternhell a publié dans le quotidien Le Monde une tribune intitulée: "M. Macron, soyez ferme face à M. Netanyahu", dans laquelle il exhortait Paris à "prendre ses responsabilités".
Les négociations entre Israéliens et Palestiniens n'ont jamais repris depuis l'échec d'une médiation américaine au printemps 2014, et, si le conflit reste de basse intensité, l'explosion menace en permanence.
"Il faut que la France et l'Europe se saisissent de la question. Il y a peut-être une opportunité étant donné l'état dans lequel se trouve la Maison Blanche en ce moment et les +plans+ de Donald Trump qui restent bien vagues et mystérieux", déclare à l'AFP l'ancien ambassadeur d'Israël en France, Elie Barnavi.
Le président américain, qui a un moment laissé planer le doute sur l'engagement des Etats-Unis pour une solution à deux Etats, a assuré lors d'une visite en mai en Israël et dans les territoires que la paix était possible, sans en dire plus.
L'Iran devrait également être abordé au cours de l'entretien, tout comme la Syrie, qui inquiète de plus en plus Israël compte tenu de l'implication iranienne dans le conflit.
"Nous sommes concernés par ce qui se passe en Syrie. Et Macron a eu des contacts avec la Russie, a rencontré Poutine, Trump, a des liens étroits avec Merkel", souligne de son côté Tsilla Hershco, chercheuse à l'université Bar Ilan.
Avec AFP