Nouveau procès pour le blogueur mauritanien condamné à mort

Rues de Nouakchott, capitale de la Mauritanie.

Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir avait été condamné à mort en décembre 2014 pour apostasie. Il sera jugé en appel à partir du 21 avril à Nouadhibou, où il est incarcéré depuis plus de deux ans.

Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir - également identifiée comme Mohamed Cheikh Ould Mohamed -, 31 ans, est détenu depuis le 2 janvier 2014 à Nouadhibou, pour un écrit considéré comme blasphématoire envers le prophète Mahomet.

Il y a également été jugé par la Cour criminelle, qui l'a reconnu coupable d'apostasie et condamné à mort le 24 décembre 2014. Ses avocats avaient interjeté appel deux jours après l'annonce du verdict.

"M. Ould Mkheitir sera jugé en appel le 21 avril (jeudi) par la Cour d'appel de Nouadhibou", a affirmé à l'AFP la source judiciaire sous couvert d'anonymat, jointe à Nouadhibou.

Reproche sur sa manière de parler de Mahomet

Cette annonce intervient le jour de l'ouverture de la nouvelle année judiciaire, marquée par une cérémonie présidée à Nouakchott par le chef de l'Etat Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a promis de tout mettre en oeuvre pour renforcer l'indépendance de la justice dans son pays.

"La justice constitue un pilier essentiel, sinon majeur de l'Etat de droit, car elle veille à l'application saine de la loi dans les affaires qui lui sont soumises" et conforte les citoyens "que leurs droits civiques, politiques, économiques et sociaux sont préservés ainsi que les libertés individuelles et collectives", a-t-il déclaré.

Durant le procès de M. Ould Mkheitir, le tribunal lui a reproché d'"avoir parlé avec légèreté du prophète Mahomet et enfreint aux ordres divins" dans un article publié brièvement sur des sites Internet mauritaniens en janvier 2014.

Avant et durant son procès, le blogueur - qui a été défendu par des avocats commis d'office - s'est repenti tout en niant l'accusatio, selon des sources judiciaires.

Devant la Cour, il a expliqué qu'il n'avait pas l'intention de critiquer le Prophète, mais de défendre une composante sociale "mal considérée et maltraitée", la caste des forgerons ("maalemines"), dont il est lui-même issu, traditionnellement au bas de l'échelle sociale.

Ex-colonie française devenue indépendante en 1960, la Mauritanie est une République islamique où la charia (loi islamique) est en vigueur mais dont les sentences extrêmes comme les peines de mort et de flagellation ne sont plus appliquées depuis environ trois décennies.

La peine de mort n'y est pas officiellement abolie mais la dernière exécution remonte à 1987, selon Amnesty International. Jusqu'à l'affaire dite "Ould Mkheitir", le pays n'avait pas connu de condamnation à mort pour apostasie.

Amnesty International demande l'annulation de sa condamnation

"La Mauritanie doit annuler la condamnation à mort prononcée contre un blogueur déclaré coupable d’apostasie, et le libérer sans condition", a déclaré Amnesty International le 20 avril, avant son audience d’appel prévue pour le 21 avril dans la ville de Nouadhibou (sud-ouest du pays).

Mohamed Mkhaïtir, 33 ans, a été condamné à la peine de mort en décembre 2014, après avoir passé un an en détention provisoire, pour avoir écrit un billet de blog critiquant ceux qui utilisent l’islam pour introduire des discriminations à l’égard de certains groupes de la société.

Mohamed Mkhaïtir est la première personne condamnée à mort pour apostasie depuis que la Mauritanie a accédé à l'indépendance en 1960.

"La peine capitale ne doit être utilisée sous aucune circonstance. La condamnation de Mohamed Mkhaïtir à ce châtiment, pour avoir écrit un billet de blog critiquant ceux qui utilisent la religion à des fins de discrimination, est injuste et montre jusqu’où les autorités mauritaniennes sont prêtes à aller pour essayer d’écraser la dissidence", a déclaré Gaëtan Mootoo, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

"Les autorités mauritaniennes doivent annuler cette condamnation et libérer cet homme immédiatement et sans condition", a-t-il ajouté.

"Mohamed Mkhaïtir est un prisonnier d'opinion, uniquement emprisonné pour avoir exercé de manière pacifique son droit à la liberté d'expression", ajoute le communiqué de presse, "Amnesty International estime que le recours à des sanctions pénales dans le but d’imposer des convictions religieuses est une atteinte au droit international relatif aux droits humains, et en particulier à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, à laquelle la Mauritanie est partie."