Douze morts à Kinshasa à la veille d'une mobilisation d'opposants

Un pompier se tient près des véhicules incendiés lors d’une évasion à la prison centrale de Makala à Kinshasa, RDC, 17 mai 2017.

La République démocratique du Congo a connu une éruption de violences lundi avec douze morts par balle à Kinshasa, selon la police, qui accuse une secte politico-religieuse opposée au président Joseph Kabila, à la veille du lancement d'une série de mobilisations de l'opposition contre le chef de l'Etat.

Ces troubles dans la capitale interviennent alors que le géant d'Afrique centrale (70 millions d'habitants, 2,3 millions de km2) se trouve dans une impasse politique en raison du maintien au pouvoir du président Kabila après la fin de son deuxième et, selon la Constitution, dernier mandat .

Les douze victimes ont été tuées par des "balles perdues" lorsque des assaillants "armés de calibres 12 (fusils de chasse) et d'armes blanches" s'en sont pris aux forces de l'ordre dans plusieurs des 24 communes de la capitale, une mégapole de 10 millions d'habitants, selon le porte-parole de la police nationale.

Ce porte-parole, Pierrot Rombaut Mwanamputu, a fait état d'un "bilan provisoire" de "douze personnes fauchées par balles perdues", dans un flash interrompant peu après 14h00 (13h00 GMT) les programmes de la télévision publique (RTNC).

Le colonel Mwanamputu a aussi mentionné le "lynchage" de deux commissaires de police, "tous deux dans un état de santé très critique".

"Des hors-la-loi portant des bandeaux rouges autour de la tête ont surgi, récitant des prières et entonnant des slogans hostiles à l'encontre des institutions légalement établies", a-t-il poursuivi. Il a cité le nom du mouvement politico-religieux "Bundu Dia Mayala", dirigé par le gourou et député Ne Muanda Nsemi qui s'était évadé le 17 mai 2017 de la prison de Makala.

Son mouvement prône une scission du Kongo-Central (province de l'Ouest de la RDC) et est accusé d'avoir mené une série d'attaques meurtrières contre des symboles de l'État depuis la fin de l'année 2016.

Les troubles ont commencé vers 09h50 (08h50 GMT) à Selembao, Bumbu, Matete, Ndjili, Kimbanseke. Les forces de sécurité "ont réussi à rétablir l'ordre en moins de deux heures en dispersant (les assaillants) avec des gaz lacrymogènes", selon l'officier.

Des heurts ont également fait deux morts à Matadi, dans la province voisine du Kongo central, le débouché maritime de la RDC sur l'Atlantique, selon cette même source.

A Kinshasa, l'AFP a commencé à recevoir des témoignages de coups de feu et de violences vers 09h30 (08h30 GMT) alors que la journée avait commencé normalement.

Des témoins ont rapporté avoir entendu des "tirs nourris" près de la prison de Makala, cible d'une attaque qui avait conduit à l'évasion de plus de 4.000 détenus en mai, dont le gourou Ne Muanda Nsemi.

Une source au sein de la société civile a fait état d'"au moins sept policiers" tués et de "deux assaillants tués à bout portant par les PM (police militaire) près de la prison. Leurs corps ont été emportés".

Flaque de sang

A la mi-journée, une grosse flaque de sang et une paire de chaussures d'homme étaient visibles sur la chaussée devant la prison, a constaté un journaliste de l'AFP, qui a aussi observé une forte présente militaire.

Ce même journaliste a vu le corps d'un homme poignardé à mort à la clinique du quartier, victime des troubles d'après les infirmiers.

Sur la grande avenue Lumumba remontant vers l'aéroport de Ndjili, du sang était aussi visible devant l'église catholique Saint-Raphaël.

"J'ai vu la Croix-Rouge transporter un corps ensanglanté vers l'hôpital Biamba Marie-Mutombo alors que je me rendais vers l'aéroport", avait témoigné auparavant à l'AFP le caricaturiste Thembo Kash. Une importante présence militaire était aussi visible.

Personne n'a revendiqué ces attaques qui interviennent à la veille de deux journées "ville morte" mardi et mercredi à l'appel de l'opposition.

Au micro de la VOA, Joseph Mabanga, fondateur de Forces acquises au changement, membre du Rassemblement de l’opposition a déclaré que les deux journées villes mortes, c’est une expression pacifique. « Parce que nous ne sommes pas encore convaincus qu’il y aura élection, c’est maintenu, nous pensons que le peuple congolais va répondre massivement sans casser parce que nous prônons la non-violence. Restez à la maison pour manifester le mécontentement » a-t-il lancé

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Joseph Mabanga, fondateur de Forces acquises au changement, membre du Rassemblement de l’opposition

Ces journées -où les habitants sont invités à rester chez eux- font partie d'un programme d'action annoncé par le Rassemblement de l'opposition pour obtenir le départ du président Kabila.

Emmené par le parti historique d'opposition, l'UDPS, et sept partis transfuges de la majorité, le Rassemblement prévoit aussi des meetings le 20 août et un appel à la désobéissance civile à partir du 1er octobre.

Des élections devaient être organisées d'ici à la fin de cette année, selon un accord conclu entre la majorité et l'opposition le 31 décembre 2016 sous l'égide de l'Église catholique. Mais la Commission électorale a déclaré qu'elles seraient repoussées en raison des troubles dans la région centrale du Kasaï qui retardent le recensement des électeurs.

"Désormais, le cap est mis sur les élections", a assuré le Premier ministre Bruno Tshibala en se faisant lui-même "enrôler" (recenser) samedi à Kinshasa.

Selon une source de VOA Afrique sur place, le calme est revenu dans certaines communes, mais à Selembao, des tirs sont encore entendus.