Nouvelles protestations contre la présidentielle au 3e jour de campagne

Ali Benflis, ex premier ministre algérien et candidat à la présidentielle

De nouveaux rassemblements hostiles à la présidentielle du 12 décembre ont émaillé mardi à travers l'Algérie le 3e jour d'une campagne agitée, notamment là où les candidats ont tenu meeting.

"Des dizaines" de personnes ont été arrêtées lors de ces rassemblements, a indiqué à l'AFP Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de Défense des droits de l'Homme (LADDH), citant un réseau de militants de la société civile à travers le pays.

Des manifestants ont également muré mardi, dans plusieurs localités, les locaux de l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie), chargée d'organiser le scrutin, selon M. Salhi.

Plusieurs personnes ont été arrêtées à El Oued (550 km au sud-est d'Alger) devant la salle où l'ex-Premier ministre Ali Benflis tenait un meeting, que "deux personnes dans la salle ont tenté de perturber", a indiqué à l'AFP un journaliste local.

Selon M. Salhi, des arrestations ont également eu lieu à Relizane (à 100 km d'Oran, deuxième ville du pays), où s'est déplacé Abdelaziz Belaïd, chef d'un micro-parti proche du pouvoir, et à Béchar (750 km au sud-ouest d'Alger) où s'est exprimé Abdelmadjid Tebboune, autre ancien Premier ministre (2017) d'Abdelaziz Bouteflika, président que la rue a contraint à la démission en avril.

Des opposants au scrutin se sont également rassemblés à Boumerdès (35 km à l'est d'Alger) où se trouvait Abdelkader Bengrina, chef d'un petit parti islamiste ayant également soutenu M. Bouteflika.

Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, on voit le discours de M. Benflis à El Oued être soudainement interrompu par un homme, debout dans l'assistance, qui lui crie: "le peuple est dans la rue et vous le trahissez avec votre candidature".

"Vous avez pillé le pays", lance-t-il aussi à l'ancien Premier ministre (2000-2003) de M. Bouteflika, reprenant un slogan du "Hirak", le mouvement inédit de contestation du régime né en février.

L'homme, que M. Benflis invite sans succès à s'asseoir pour lui répondre, est ensuite emmené par des hommes en civil. "L'Algérie ne se construira pas avec les insultes. L'Algérie se construira avec l'écoute des autres", commente ensuite Ali Benflis.

M. Benflis, qui se présente depuis sa rupture avec M. Bouteflika en 2003 comme son principal opposant, mais est considéré par le "Hirak" comme un produit du "système", a ensuite animé, sans incident, une autre réunion électorale à Blida (35 km au sud d'Alger), quadrillée par la police, selon des journalistes de l'AFP.

Les nombreuses perturbations enregistrées quotidiennement depuis dimanche ne sont que de "petits grabuges" qui "ne peuvent pas être qualifiés d'affrontements ni d'incidents", a estimé mardi le porte-parole de l'Anie, Ali Draa.

"Il n'y a pas eu d'actes de violence contre les candidats" qui ont "été acceptés par les populations locales lors de leurs meetings", a-t-il ajouté.

Lundi soir, la justice a pourtant eu la main lourde contre des manifestants ayant perturbé la veille à Tlemcen (450 km au sud-ouest d'Alger) le premier meeting de M. Benflis, en condamnant quatre d'entre eux à 18 mois de prison ferme et 14 autres à deux mois avec sursis.

De son côté, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée et homme fort du pays depuis la démission de M. Bouteflika, s'est réjoui mardi de "l'élan populaire" envers la présidentielle et a vu dans des "marches soutenant l'armée (...) et la tenue de la présidentielle" une "volonté de se diriger massivement aux urnes".

Dans la matinée, un millier d'étudiants et de citoyens avaient pourtant défilé, sous la pluie, pour un 39e mardi consécutif contre le régime, scandant notamment une fois encore "Non aux élections!" ou "Dégagez! dégagez!" à l'adresse de leurs dirigeants.

Quelques manifestations de soutien au scrutin ont eu lieu à travers le pays, mais elles semblent avoir très peu mobilisé, comparées aux cortèges massifs qui chaque semaine scandent leur rejet de la présidentielle qui, selon le Hirak, ne vise qu'à régénérer le "système" au pouvoir.