Washington gèle un versement de 65 millions de dollars pour les Palestiniens

Assistance de l'UNRWA, camp de réfugiés palestiniens de Jebaliya, Bande de Gaza, le 13 avril 2006.

Les Etats-Unis ont décidé mardi de "geler" plus de la moitié de leurs versements prévus à l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, nouveau message de défiance à l'égard de l'ONU qui est également un nouveau coup dur pour les Palestiniens.

Sur les 125 millions de dollars de contribution volontaire américaine escomptée par cette agence, l'UNRWA, pour 2018, Washington a confirmé l'octroi d'une "première tranche" de 60 millions pour payer notamment les salaires dans les écoles et le système de santé en Jordanie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, a annoncé le département d'Etat américain.

"Sans cet argent", "les opérations de l'UNRWA étaient menacées", a justifié un responsable.

Mais les 65 millions restants "vont être retenus" jusqu'à nouvel ordre. "Ils sont gelés à ce stade, ils n'ont pas été annulés", a assuré la porte-parole du département d'Etat, Heather Nauert.

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Jalal Al Husseini joint par Claire Morin-Gibourg


C'est un coup dur pour l'agence Onusienne confirme Jalal Al Husseini, chercheur à l'Institut Français du Proche- Orient. "L'UNRWA va être obliger de supprimer les postes de travail temporaire, de nombreux postes d'enseignants, de travailleurs réfugiés". Pour Jalal Al Husseini, il est à peu près certain que cela va déclencher de nouveaux troubles dans la région.

La diplomatie américaine, qui ne cesse de critiquer l'ONU depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump il y a un an, réclame de "revoir en profondeur la manière dont l'UNRWA fonctionne et son financement". Elle demande à d'autres pays de contribuer davantage, car les Etats-Unis ne veulent plus fournir à eux seuls 30% des fonds de cette agence.

Pour débloquer la seconde tranche, il faudra donc que "des réformes soient engagées" afin "de faire en sorte que l'argent soit mieux dépensé", a prévenu Heather Nauert.

Priver l'UNRWA de ce montant "aura des conséquences dévastatrices pour les réfugiés palestiniens vulnérables au Moyen-Orient", a prévenu Jan Egeland, secrétaire général de l'organisation Norwegian Refugee Council.

Le chef de l'agence onusienne affectée, Pierre Krahenbuhl, a exprimé son inquiétude et appelé les autres membres de l'ONU à contribuer, soulignant que le montant était très inférieur aux 350 millions octroyés par les Etats-Unis en 2017.

"Financer l'UNRWA ou une quelconque organisation humanitaire est à la discrétion de chaque Etat membre des Nations unies", a-t-il relevé dans un communiqué. "Ceci dit, étant donnée la longue et historique relation de confiance entre les Etats-Unis et l'UNRWA, cette contribution réduite menace l'un de nos engagements en matière de développement parmi les plus novateurs et rencontrant le plus de réussite au Proche-Orient".

'Complicité'

Cette décision s'inscrit dans un bras de fer entre l'administration Trump et l'ONU, accusée par Washington de dépenser trop et mal, sur fond de retrait des Américains de la scène multilatérale au nom du slogan "l'Amérique d'abord" qui a mené le milliardaire républicain à la Maison Blanche.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait fait part mardi, avant l'annonce de la décision américaine concernant l'UNRWA, de sa "grande inquiétude", estimant que la fin des financements américains provoquerait "un problème très très important".

"L'UNRWA n'est pas une institution palestinienne" mais "une institution de l'ONU" qui "fournit des services vitaux" aux réfugiés, a-t-il insisté, exhortant Washington à confirmer sa contribution.

Mais l'annonce américaine arrive aussi au moment où les Palestiniens se sentent lâchés par les Etats-Unis.

Après avoir reconnu en décembre Jérusalem comme capitale d'Israël, provoquant la réprobation de la communauté internationale et la colère des Palestiniens, Donald Trump avait menacé début janvier de couper l'aide financière américaine à ces derniers s'ils refusaient de discuter avec Washington d'une solution pacifique au conflit.

Or, sonnés par cette position sans précédent sur Jérusalem, les Palestiniens affirment ne plus vouloir des Etats-Unis comme médiateur et menacent même de suspendre leur reconnaissance de l'Etat d'Israël, une mesure qui remettrait en cause l'un des principes fondateurs de l'effort de paix déjà très mal en point avec les Israéliens.

L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a accusé les Américains d'"obéir aux consignes" du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en "ciblant les plus vulnérables des Palestiniens et en privant les réfugiés de leur droit à l'éducation, à la santé, à un abri et une vie digne". "Une fois de plus, l'administration américaine démontre sa complicité avec l'occupation israélienne", a-t-elle déploré.

L'ambassadeur d'Israël à l'ONU Danny Danon a applaudi la décision américaine, estimant que l'UNRWA "fait un mauvais usage de l'aide humanitaire de la communauté internationale afin de soutenir la propagande anti-israélienne" et "encourager la haine". "Il est temps de mettre fin à cette absurdité", a-t-il plaidé.

Avec AFP