Ouganda : un tribunal s'oppose à la suspension de journalistes

Un musicien ougandais devenu politicien, Robert Kyagulanyi, au centre, alias Bobi Wine, se rend au tribunal par vidéoconférence à Kampala, le 2 mai 2019.

Un tribunal ougandais a bloqué jeudi une tentative du gouvernement de suspendre une quarantaine de journalistes pour leur couverture fin avril de l'arrestation du chanteur et député d'opposition Bobi Wine.

La Commission de régulation des médias (UCC) avait ordonné à 13 radios et chaînes de télévision de suspendre leur rédacteur en chef, producteur et responsable des programmes, au motif que leur couverture de cette arrestation avait mis en péril la sécurité nationale.

Deux activistes ont saisi la justice ougandaise, au nom de l'Association des journalistes ougandais (UJA), pour obtenir l'annulation de cette décision.

"Je connais les intérêts de sécurité nationale, mais la règlementation ne peut pas être utilisée pour piétiner les droits des gens à la liberté et à l'information", a déclaré la juge Lydia Mugambe Ssali, en donnant raison aux médias, devant un tribunal bondé à Kampala.

Lire aussi : Bobi Wine libéré sous caution en Ouganda

Son annonce a suscité la joie des journalistes présents. "C'est un jugement historique qui régira les droits et principes de notre profession", a estimé pour l'AFP un haut responsable de l'UJA, Arnold Anthony Mukose.

"Nous avons été foulés aux pieds par des directives illégales, oppressives et irrationnelles, non seulement de la part de l'UCC mais aussi d'autres agences gouvernementales. Dans le cas présent, le judiciaire nous a soutenus", a-t-il ajouté.

L'avocat de l'UCC, Abdu Salaam Waisswa, a indiqué qu'il allait "étudier le jugement et décider de la marche à suivre".

La décision de l'UCC avait incité des diplomates de l'Union européenne, des États-Unis et de 14 autres pays à exprimer leur inquiétude face aux "récents incidents restreignant la liberté de la presse et la liberté de se rassembler en Ouganda".

Bobi Wine avait été arrêté le 29 avril et inculpé dans la foulée pour avoir organisé un rassemblement illégal en 2018. Placé en détention, il avait finalement été remis en liberté sous caution trois jours plus tard.

Plus connu sous son nom d'artiste Bobi Wine, Robert Kyagulanyi, 37 ans, est devenu le porte-parole d'une jeunesse ougandaise urbaine et souvent très pauvre qui ne se reconnaît pas dans le régime vieillissant du président Yoweri Museveni, 74 ans, et au pouvoir depuis 1986.

Ce dernier est le seul président que la plupart des Ougandais connaissent, dans un pays où un habitant sur deux a moins de 16 ans. A l'initiative du parti au pouvoir, la Constitution a récemment été modifiée pour lui permettre de se présenter à un sixième mandat en 2021.