"Tous les accusés sont présents. tous ont un avocat", a déclaré le président de la Cour, le juge Mourlaye Cissoko, en ouvrant le procès.
Ce procès va tenter de lever les zones d'ombre planant sur cette affaire survenue au plus fort de la crise post-électorale qui a fait plus de 3.000 morts en Côte d'Ivoire.
Selon l'acte d'accusation, cinq des dix accusés, dont le général Brunot Dogbo Blé qui commandait à l'époque la Garde républicaine, sont poursuivis pour "séquestration et assassinat", les autres pour enlèvement" et/ou "disparition de cadavres".
Initialement prévue fin novembre, l'ouverture de leur procès avait été finalement repoussée au dernier moment au 31 janvier. Ce jour-là, à peine ouvert, il avait été à nouveau reporté en raison de l'absence de la moitié des accusés.
Stéphane Frantz Di Rippel, directeur du Novotel, Yves Lambelin, directeur général de Sifca, plus grand groupe agro-industriel ivoirien et figure du patronat local, son assistant béninois Raoul Adeossi et le Malaisien Chelliah Pandian, directeur général d'une filiale de Sifca, avaient été enlevés le 4 avril 2011 à l'hôtel Novotel.
Dans une capitale économique ivoirienne alors livrée aux affrontements entre troupes fidèles au président sortant Laurent Gbagbo et combattants soutenant son rival Alassane Ouattara, reconnu comme président élu par la communauté internationale, un commando armé avait fait irruption dans l'hôtel, situé dans une zone alors contrôlée par le camp Gbagbo.
Torturés et tués
Selon les nouvelles autorités ivoiriennes, installées après l'arrestation le 11 avril de Laurent Gbagbo, à l'issue de quatre mois de crise post-électorale, les quatre hommes ont été emmenés au palais présidentiel - alors aux mains des forces pro-Gbagbo - torturés et tués.
Deux corps avaient été retrouvés fin mai 2011 dans la lagune près d'Abidjan, mais seul le cadavre d'Yves Lambelin avait pu être formellement identifié.
Le report de l'ouverture du procès avait provoqué la colère tant de la défense que de la partie civile. La défense avait accusé le Parquet d'avoir mal organisé le procès et les avocats français des familles des victimes, le bâtonnier Pierre Olivier Sur et Me Clémence Witt, avait dénoncé une manoeuvre pour retarder le procès.
"Au bout de cinq ans, il est inadmissible que cette affaire ne soit pas jugée", s'était emporté Me Sur. "On ne va pas jouer indéfiniment au chat et à la souris", s'était de son côté plaint Me Dirabou.
Les parties civiles attendent du procès qu'il révèle s'il y a eu des commanditaires, où se trouvent les corps et pourquoi les quatre victimes ont été arrêtées et tuées.
"On veut notamment savoir qui a donné l'ordre. Il y a le général Dogbo Blé (déjà condamné à la prison à perpétuité dans une autre procédure) mais a-t-il reçu des ordres? Au-dessus de lui, il n'y a que Laurent Gbagbo ou Simone", son épouse, influente première dame, avait expliqué Me Sur fin janvier.
L'ancien président ivoirien est actuellement jugé à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI).
Déjà condamnée en 2015 à 20 ans de prison à Abidjan, Simone Gbagno doit, elle, comparaître à nouveau à compter de mardi devant une autre cour d'assises, dans le cadre d'un autre procès, suspendu fin novembre 2016, pour des crimes commis lors de la crise post-électorale.
Un enquêteur indépendant a expliqué à l'AFP sous couvert de l'anonymat, que les quatre disparus du Novotel avaient été victimes d'un "enchaînement malheureux de circonstances".
"Je ne pense pas que leur mort a été préméditée. Dogbo Blé était dépassé par les événements et sous la pression des +patriotes+", qui constituaient le relais dans la rue du régime de Laurent Gbagbo, alors que la bataille pour le pouvoir tournait en leur défaveur, a déclaré cet enquêteur.
Malgré les témoignages, la défense dénonce une "instruction bâclée" sans "analyse balistique ou ossements retrouvés". "On est en train de vouloir condamner les innocents", a affirmé Me Ange Rodrigue Dadjé, avocat du général Dogbo Blé.
Avec AFP