Un comité national, chargé de désarmer, démobiliser et réintégrer notamment les milices sécessionnistes, a été créé le 30 novembre, par décret présidentiel. Mais en l’absence de tout dialogue avec ces groupes, les Camerounais restent sceptiques sur les chances de succès de ce comité.
Les Camerounais originaires des zones anglophones sont pessimistes sur cette question du désarmement des groupes armés dans le nord et le sud-ouest du Cameroun.
Your browser doesn’t support HTML5
"Ces gars croient qu’ils vont réussir avec ce genre de stratégie qu’ils ont prise", commente Melany, une résidente de la localité de Wum dans la région du nord-ouest, où les séparatistes anglophones ont revendiqué l’évasion de 170 prisonniers, le 26 septembre dernier.
Contactée par VOA Afrique, Melany explique: "Les gens ont beaucoup de doutes par rapport au succès de ce comité de désarmement, parce que, si vous voyez le nombre de gars qui sont dans la brousse, qui sont sur les routes, qui font les contrôles, qui ont des armes, vous commencez à vous demander comment on peut vraiment convaincre tous ces garçons-là".
Joint au téléphone depuis Bamenda, l’une des villes épicentre de la crise anglophone, l’homme politique Felix Nyamusa, président de Liberation National Party, affirme que ce comité est malvenu au sein de la population.
"Nous sommes sur le terrain. Ce comité ne marchera pas. Pour les populations, il n’est pas différent de la commission du bilinguisme créée auparavant par le président Paul Biya. Les gens ne sont même pas enchantés par le fait que le président ait désigné un autre anglophone à la tête de ce comité."
Certains Camerounais anglophones critiquent aussi la démarche du gouvernement ayant conduit à la création de ce comité de désarmement.
"Comment peut-on créer un comité de désarmement en pleine guerre ?", s’interroge Ayah Ayah Abiné, président de "la fondation Ayah Paul", qui assiste les déplacés internes et les réfugiés camerounais au Nigeria, suite à la crise anglophone.
"L’idéal serait d’appeler à un cessez le feu et après, on procède au désarmement des deux parties. En plus, le comité créé est composé uniquement des membres du gouvernement. Le gouvernement ne veut pas résoudre la crise", dit-il sur un ton furieux.
Pourtant, le 6 novembre dernier, lors de sa prestation de serment pour un nouveau mandat de sept ans, le président Paul Biya n’a pas caché son intention de ramener la paix en zones anglophones. Mais à une condition:
"Déposer les armes... et retrouver le droit chemin ; j’en appelle tout particulièrement aux jeunes qui se sont laissés entraîner dans une aventure sans lendemain", a déclaré M. Biya dans son discours de circonstance.
Cet appel du président, matérialisé par la création d’un comité de désarmement, "fait une entorse au dialogue tant souhaité", selon des observateurs.
"Le président devait plutôt prendre des mesures allant dans le sens d’appeler les acteurs autour d’une table. C’est ce qui est demandé depuis des années. On ne comprend pas pourquoi le président s’entête à aller dans un sens qui est très peu compris par les acteurs que nous sommes", a confié à VOA Afrique Cyrille Rolande Béchon, directrice exécutive de l’ONG "Nouveaux droits de l’homme".
Le Cameroun est à la recherche d’une solution originale de sortie de crise anglophone.
Le programme de désarmement, démobilisation et réintégration, arrêté par le président Paul Biya, est porteur d'espoir, selon certains. "Il ne s'agit pas d'un DDR classique", analyse Raoul Sumo Tayo, qui est enseignant en Histoire à l'université de Yaoundé 1 et spécialiste des questions de sécurité.
"Il s’agit de mettre en place quelque chose qui relève du sur-mesure, un ensemble de mesures qui vont conduire non seulement au désembrigadement relationnel, psychologique, mais également à la sortie de la violence. Il faudrait également que la volonté politique soit réelle. Je crois que ça va donner quelque chose", a ajouté l’enseignant historien camerounais.
Ce sont les villes de Bamenda et Buea qui ont été choisies comme sites de cantonnement des groupes armés en régions anglophones, qui vont accepter de déposer les armes.