Les 3.800 migrants, majoritairement de l'Afrique de l'Ouest, ont été recensés dans un camp près de Tripoli, vivant dans des "conditions inhumaines", a affirmé Moussa Faki Mahamat lors de la conférence de presse finale du 5e sommet Afrique-Europe à Abidjan. "Ils veulent sortir le plus rapidement possible de ce guêpier" et doivent être rapatriés d'urgence, a-t-il ajouté.
"Mais il ne s'agit que d'un seul camp", a souligné M. Faki, indiquant que "le gouvernement libyen nous a dit qu'il y en 42. Certainement qu'il y en a plus que cela. On parle de 400.000 à 700.000 migrants africains en Libye".
"Il faut d'abord secourir d'urgence ceux qui sont dans cette situation et nous réfléchissons ensemble, Libye, Union européenne, Union africaine, ONU, pour trouver des solutions plus pérennes à cette question de la migration", a-t-il conclu.
Action humanitaire
"Une action humanitaire doit être menée rapidement" en Libye, "les réseaux de passeurs doivent être mis hors d'état de nuire" et "une enquête (internationale) doit être menée", a déclaré le président ivoirien Alassane Ouattara lors de la séance de clôture.
Son homologue guinéen Alpha Condé, qui est également président en exercice de l'Union africaine (UA), a demandé que la commission d'enquête soit dirigée par la commission des droits de l'Homme de l'UA.
Il a également demandé que des "forces spéciales" soient mises en place "contre les trafiquants d'êtres humains".
Ces mesures avaient été annoncées dès mercredi soir par le président français Emmanuel Macron, à l'issue d'une réunion d'urgence restreinte sur la question.
M. Macron avait évoqué l'évacuation d'urgence des Africains désirant quitter la Libye, la constitution d'une "task force" policière et de renseignement, ainsi qu'une campagne de communication pour dissuader les jeunes de tenter l'exode.
Après le scandale international né de la diffusion d'images de marché aux esclaves en Libye, l'immigration s'est imposée comme le thème majeur du sommet qui a réuni environ 80 chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que 5.000 délégués dans la capitale économique ivoirienne mercredi et jeudi.
"Démanteler les réseaux"
Selon le président français, les opérations d'évacuation seront mises en place "dans les prochains jours ou (les prochaines) semaines".
Il est important de "démanteler les réseaux et leur financement" car les "trafiquants d'être humains" sont "profondément liés" aux trafiquants d'armes, de drogue et aux mouvements terroristes qui opèrent dans toute la bande sahélo-sahelienne", a justifié M. Macron.
Il a aussi estimé "qu'in fine, il est indispensable de reconstituer un Etat pérenne" en Libye.
Plus de 700 millions d'Africains ont moins de 25 ans, soit 60% de la population du continent. Des centaines de milliers de jeunes désespérés par le chômage, la pauvreté et l'absence de perspectives dans leurs pays - en dépit de taux de croissance enviables pour certains d'entre eux - tentent d'émigrer vers l'Europe chaque année.
Conscient de la nécessité d'agir sur le long terme pour donner un avenir à la jeunesse africaine, les dirigeants africains et européens ont convenu au sommet d'"intensifier les efforts pour lui offrir une éducation de qualité", a déclaré le président Ouattara, avec "un effort particulier sur l'éducation des filles, les technologies et le numérique".
Il a aussi appelé à accroitre les investissements pour accélérer la croissance économique afin d'offrir des emplois à la jeunesse.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait relevé mercredi que la "croissance économique impressionnante" en Afrique durant la dernière décennie était "insuffisamment inclusive", autrement dit que les inégalités de revenus restent trop importantes, ce qui pousse les jeunes à continuer d'émigrer.
La question de la sécurité a aussi été abordée, au moment où l'Afrique de l'Ouest en particulier connaît une montée en puissance de groupes jihadistes, en partie liée à la désespérance de la jeunesse africaine.
L'UE affiche son soutien au G5 Sahel -Mali, Niger, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad - qui s'efforce de mettre en place une force antijihadiste dans cette région, mais le financement de cette force est encore largement insuffisant. Seule la moitié de son budget a été réuni, bien qu'il ait été divisé par deux, à 240 millions d'euros.
Une réunion internationale aura lieu le 13 décembre à Paris pour "accélérer le déploiement" de la force multinationale, a indiqué l'Élysée jeudi, réunion à laquelle seront conviés les "partenaires clés de la force conjointe, de l'UE, des ONU et de l'UA".
Avec AFP