L'opposition et le régime syriens ont affiché leur méfiance dimanche à Genève avant même de commencer à discuter, sous égide de l'ONU, de l'avenir de leur pays, où un attentat revendiqué par le groupe Etat islamique (EI) a encore tué au moins 50 personnes.
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a lancé, dans un rare message vidéo, un appel solennel aux ennemis syriens pour qu'ils "saisissent" cette occasion de mettre un terme à près de cinq ans d'une guerre meurtrière et destructrice.
Mais pour l'heure, les deux camps se contentent de s'invectiver par médias interposés.
L'ONU a toutefois annoncé en fin de journée que les discussions reprendraient lundi, l'envoyé spécial Staffan de Mistura devant rencontrer d'abord la délégation de Damas puis celle de l'opposition.
Damas souhaite "mettre un terme au bain de sang", a affirmé l'ambassadeur syrien à l'ONU Bachar al-Jaafari, qui mène la délégation du régime à Genève. Mais l'opposition n'est ni "sérieuse", ni "crédible", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse.
Plutôt que de parler de guerre, il a repris l'antienne officielle: "Les Syriens font face au terrorisme". Un terme sous lequel le régime place aussi bien les groupes rebelles que les jihadistes de l'EI, qui ont revendiqué dimanche l'attentat contre un sanctuaire chiite au sud de Damas.
"Nous ne discutons pas avec des terroristes", a martelé M. al-Jaafari, en se plaignant de ne pas connaître les "noms" des délégués de l'opposition du Haut comité des négociations (HCN).
Le HCN, dont la délégation est arrivée samedi soir à Genève après plusieurs jours d'hésitation, est une coalition formée en décembre à Riad, qui regroupe des opposants politiques et des représentants de groupes armés.
"Le régime n'est pas ici pour trouver des solutions mais pour gagner du temps afin de tuer encore plus de Syriens", a de son côté accusé un porte-parole de ce groupe, Salem al-Meslet dans une conférence de presse distincte.
Il a rappelé les revendications du HCN avant d'entrer dans le processus de négociation: levée des sièges, arrêt des attaques contre les civils et libération de détenus.
"Nous n'acceptons aucune pré-condition", a rétorqué l'ambassadeur Jaafari lors de son point-presse.
"Optimisme' de l'ONU"
Malgré l'hostilité affichée par les deux camps, Staffan de Mistura s'est dit "optimiste et déterminé" à poursuivre ses efforts. "C'est une occasion historique qui ne doit pas nous échapper", a poursuivi l'émissaire de l'ONU pour la Syrie après avoir rendu visite à l'opposition dans son hôtel.
Son adjoint, Ramzy Ezzeldin Ramzy, s'est lui entretenu avec la délégation du régime. Les deux "visites de courtoisie" ont eu lieu hors du cadre officiel du Palais des Nations unies, où "aucune réunion n'est prévue dimanche", selon l'ONU.
M. de Mistura espère amener le régime et l'opposition à entrer dans un processus de discussions indirectes, avec des émissaires faisant la navette entre les deux. Ce processus pourrait s'étendre sur six mois, délai fixé par l'ONU pour aboutir à une autorité de transition qui organiserait des élections à la mi-2017.
Ces pourparlers sont "la meilleure et probablement l'unique chance de mettre un terme au conflit syrien", a souligné la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini.
Depuis Addis Abeba, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a également exhorté "toutes les parties à mettre le peuple syrien (...) au dessus des intérêts partisans".
Depuis mars 2011, la guerre en Syrie a fait plus de 260.000 morts et jeté des millions de personnes sur les routes. Et chaque jour, le bilan humain s'alourdit à cause des bombardements, des combats, des attentats et des sièges.
Selon l'ONU, 14 localités, dont la ville-symbole de Madaya, sont assiégées par des forces loyalistes, rebelles ou de l'EI. Dans son message vidéo, John Kerry a appelé le régime du président Bachar el-Assad à permettre l'acheminement de l'aide humanitaires à Madaya.
John Kerry est l'un des principaux artisans du processus de paix, relancé en novembre par les puissances occidentales, les pays arabes, la Turquie - qui souhaitent le départ de Bachar el-Assad- mais aussi la Russie et l'Iran, ses alliés historiques.
Dimanche, la délégation de l'opposition a reçu la visite d'une dizaine d'ambassadeurs du camp anti-Assad, selon un de ses membres.
AFP