Première femme jockey de haut niveau au Qatar

Course hippique Royal Ascot, Grande-Bretagne, 23 juin 2017.

Maryam al-Subaiey a réalisé son rêve malgré le poids des traditions: devenir jockey, dans un pays où les athlètes féminines sont rares.

On attendait de moi que "je devienne une femme d'affaires et qu'un jour je me marie et sois mère de famille", explique-t-elle.

Mais elle a refusé de se plier aux conventions sociales: "Je n'ai pas à faire des choses que la société attend de moi en tant que femme", estime-t-elle.

C'est au grand club hippique de Doha qu'elle a réalisé son rêve, en participant pour la première fois à une course de chevaux appelée "Thoroughbred Handicap", le 24 février.

Casaque en soie bordeaux, elle avait galopé avec sa monture "Comedy Night" en affrontant 13 autres jockeys et en finissant au 11ème rang.

"Je n'arrive toujours pas à croire que je suis là, j'ai réussi (...) Je suis la première femme jockey qatarie", avait-t-elle déclaré après la course.

"Mais je suis aussi ici pour toutes les femmes qataries et pour toutes les femmes du Golfe", avait-t-elle ajouté. "De nombreuses jeunes filles me disent que je les inspire. C'est ce que je veux."

D’autres femmes ont déjà disputé des courses de chevaux au Qatar, selon des médias locaux, mais Maryam al-Subaiey est la première Qatarie à avoir concouru à un tel niveau, selon des responsables hippiques.

- la "liberté de choisir" -

Elle n'a pas fini sur le podium mais qu'importe, c'est sa participation qui comptait.

Et ce jour-là, de nombreux spectateurs n'ont pas caché leur surprise. "Pour être honnête, je ne pensais pas qu'il y avait des femmes jockeys ici", a confié un amateur de courses occidental.

Maryam al-Subaiey avait déjà défrayé la chronique en 2016 lorsqu'elle était apparue, non voilée, sur la chaîne France 24 en langue arabe à Paris pour parler de la place de la femme dans son pays.

Le hijab n'est toutefois pas obligatoire au Qatar, mais la grande majorité des femmes le porte.

Sur les réseaux sociaux, un commentateur avait jugé qu'elle était un "mauvais exemple" pour les femmes qataries. D'autres détracteurs l'avaient accusée de "désobéir aux ordres de Dieu".

La jeune femme ne s'était cependant pas laissée impressionnée, revendiquant la "liberté de choisir" la façon dont elle s'habillait.

Tout a commencé pour elle en août 2014, alors qu'elle traversait une "période très difficile" dans sa vie. Elle venait de perdre son emploi de réalisatrice vidéo et voulait changer de voie.

Jockey, "c'est quelque chose que je voulais faire depuis très longtemps, j'adore les chevaux et je me suis dit: pourquoi pas?", raconte-t-elle.

Enfant, elle montait à cheval mais n'avait pas la moindre expérience de jockey jusqu'à ce qu'elle décide de changer de vie, adulte, s'entraînant jusqu'à six heures par jour au Qatar.

Elle a aussi séjourné à Newmarket, la "capitale" des courses hippiques en Grande-Bretagne, au sein de l'école de l'ancien jockey Steve Smith Eccles.

Sa famille l'a appuyée dans son projet et Maryam al-Subaiey affirme avoir reçu le soutien de compatriotes, "même celui d'hommes".

Ces dernières années, le Qatar a utilisé le sport pour accroître sa visibilité mondiale, mais la gent féminine y est encore bien peu représentée.

L'émirat n'a envoyé que deux athlètes féminines aux jeux Olympiques de Rio l'an dernier, sur 38 sportifs. Aux JO de Londres en 2012, elles étaient quatre et leur participation -une première pour des Qataries- avait été le résultat de pressions des autorités olympiques sur Doha.

- Une athlète déterminée -

Alors que le Qatar a fait la Une de journaux dans le monde pour l'acquisition du club de football Paris Saint-Germain et de ses stars, pour l'organisation du Mondial-2022 de football et des Championnats du monde d'athlétisme en 2019, le grand public connaît moins son rôle croissant dans les courses hippiques.

Le riche émirat sponsorise le prestigieux Prix de l'Arc de Triomphe en France, championnat du monde du galop sur herbe dont la 96ème édition a eu lieu dimanche et qui a été rebaptisé Qatar Prix de l'Arc de Triomphe.

Doha sponsorise aussi l'une des plus grandes courses de chevaux en Grande-Bretagne, connue sous le nom de Qatar Goodwood Festival.

Maryam al-Subaiey a cependant bien failli voir sa carrière s'arrêter brusquement lors de sa deuxième course au Qatar, en mars: elle est tombée et a été gravement blessée, victime notamment d'une double fracture du pelvis.

Cet épisode ne l'a cependant pas fait douter de son choix. Elle compte poursuivre l'entraînement à Newmarket.

"Plus que jamais, j'ai quelque chose à prouver".

Avec AFP