Première messe du Pape François à Cuba

Le pape François est allé dimanche à la rencontre du peuple cubain lors d'une grande messe à La Havane, point fort de son voyage sur l'île, avant de rendre visite au fondateur de la Révolution, Fidel Castro.

Sur la place de la Révolution, le souverain pontife argentin a appelé les chrétiens à un engagement concret envers les "plus fragiles": "Les chrétiens sont toujours appelés à laisser de côté leurs aspirations, et envies, leurs désirs de toute puissance, et de regarder du côté des plus fragiles".

"Nous devons nous prémunir contre la tentation du +service+ qui +se+ sert", a-t-il mis en garde, martelant que "le service n'est jamais idéologique mais sert les personnes", dans une critique un peu voilée du régime communiste.

Avant l'office, le pape n'a pas semblé s'apercevoir d'un incident se déroulant dans son dos, quand trois membres d'un groupe dissident cubain ont été arrêtés après avoir tenté de s'approcher du cortège papal en scandant "Liberté, liberté!".

Parmi les quelque 200.000 personnes présentes pour ce moment le plus important de la visite papale de trois jours, certaines ont raconté à l'AFP avoir passé la nuit sur place pour ne pas manquer cette messe solennelle, célébrée en musique sous un ciel voilé bienvenu en cet été caribéen.

Toutefois, un grand nombre du curieux se sont dispersés avant la cérémonie, visiblement satisfaits d'avoir pu apercevoir le pape lorsqu'il s'est approché des barrières en arrivant.



"Un peuple qui a des blessures"

Les Cubains sont "un peuple qui a des blessures, comme tout peuple, mais qui sait ouvrir les bras, qui marche avec espérance, parce que sa vocation a de la grandeur", a lancé Jorge Bergoglio à la foule.

Après la messe, le pape s'est rendu discrètement au domicile du lider maximo Fidel Castro, avec lequel il s'est entretenu dans "une atmosphère familière et informelle" pendant trente à quarante minutes.

Fidel Castro a offert au souverain pontife son livre d'entretiens avec le théologien de la libération brésilien Frei Betto "Fidel et la religion". La dédicace s'achevait par ces mots: "avec admiration et respect du peuple cubain".

Le chef de la révolution cubaine a évoqué avec son hôte les grandes problématiques mondiales comme l'environnement, thème cher à Fidel Castro.

Dans la soirée de dimanche, après des vêpres dans la cathédrale, François devait échanger avec des jeunes Cubains, une génération en difficulté sur une île en pleine transition économique, et les encourager à résister à la tentation de l'émigration massive.

François rencontrera aussi au palais présidentiel Raul Castro qui devrait le remercier pour son rôle de facilitateur dans le rapprochement en cours avec les Etats-Unis.

A la fin de la messe, le cardinal Jaime Ortega, archevêque de La Havane, évoquant la réconciliation entre les Etats-Unis et Cuba, activement soutenue par le pape, avait "espéré que l'appel du pape à la paix n'atteigne pas seulement les niveaux politiques (...) pour la réconciliation souhaitée entre tous les Cubains, ceux qui vivent à Cuba et en dehors de Cuba".

Appel à la paix en Colombie

Sur Radio Vatican, ce principal interlocuteur du régime castriste dans le dialogue ardu de ces trente dernières années, a lié les mesures d'allègement américaines de l'embargo annoncées vendredi par Washington à la visite du pape dans les deux pays.

"C'est un signe extraordinaire, et je pense qu'il est en relation avec cette visite", a-t-il dit.

Samedi à son arrivée à La Havane, le pape avait souligné que Cuba, longtemps isolé par l'embargo, devait retrouver une vocation que la géographie lui avait donnée.

Devant Raul Castro, il avait insisté sur l'"importance extraordinaire (de l'île) comme +clé+ entre le nord et le sud, entre l'est et l'ouest", estimant que Cuba pouvait être un avant-poste dans un nouveau dialogue entre les deux Amériques.

Le premier pape latino-américain de l'Histoire a aussi plaidé pour un succès des négociations de paix menées à La Havane entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), en estimant qu'"un échec de plus n'est pas permis".

Cette visite de François est la troisième d'un pape dans une île qui ne compte que quelque 10% de catholiques pratiquants, même si les baptisés sont plus nombreux.