Présidentielle en Tunisie: un deuxième tour se profile

Un second tour sera probablement nécessaire pour départager Moncef Marzouki et le chef du parti Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi

L’instance électorale (ISIE) a jusqu’au 26 novembre pour annoncer les résultats et la tenue d’un éventuel deuxième tour fin décembre si aucun des candidats n’obtient de majorité absolue.

(Reuters) - Près de quatre ans après la chute du régime de Zine el Abidine Ben Ali, un second tour entre le vétéran Béji Caïd Essebsi et le chef de l’Etat par intérim, Moncef Marzouki, sera vraisemblablement nécessaire en Tunisie pour désigner le futur président.

L’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) dispose d’un délai de trois jours après la fermeture des bureaux de vote pour annoncer les résultats préliminaires du premier tour mais a annoncé qu’elle s’efforcerait d' »abréger ce délai à deux jours seulement ».

Sans attendre, les équipes de campagne des deux principaux candidats ont annoncé dès dimanche soir qu’ils s’affronteraient sans doute au second tour, fin décembre.

Peu après la fermeture des bureaux de vote, à 18h00 (17h00 GMT), le directeur de campagne de Béji Caïd Essebsi a affirmé que le candidat de l’alliance laïque Nidaa Tounes était arrivé en tête avec au moins dix points d’avance.

« Essebsi est en tête selon les résultats préliminaires, avec un gros avantage sur le candidat suivant. Il y a de grandes chances qu’il y ait un second tour », a déclaré Mohsen Marzouk.

L’équipe de campagne de Moncef Marzouki a indiqué pour sa part que le président par intérim, issu du Congrès pour la république (CPR), serait au second tour de la première élection présidentielle au suffrage universel direct organisée en Tunisie.

Selon son directeur de campagne, Adnen Mansar, les scores des deux hommes seraient « voisins ». « Nous sommes certains de passer au second tour », a-t-il ajouté lors d’un point de presse dimanche soir.

Président du Parlement et ministre des Affaires étrangères sous Habib Bourguiba, le père de l’indépendance, Béji Caïd Essebsi, 87 ans, se présente comme un homme d’Etat capable de résoudre les difficultés que rencontre encore le pays, d’achever sa transition près de quatre ans après la « révolution de jasmin » et de lui « rendre son prestige ».

Ses rivaux, Marzouki en tête, le dépeignent comme un vestige des régimes autocratiques de Bourguiba puis Ben Ali et voient dans sa candidature le risque d’un retour à l' »hégémonie d’un parti unique ».

« Ce combat oppose clairement les forces révolutionnaires et l’ancien régime », a déclaré le président sortant à ses partisans.

Les adversaires de Marzouki lui reprochent quant à eux son alliance avec les islamistes d’Ennahda qui lui a permis d’être élu à la présidence de transition fin 2011.

Après les législatives d’octobre, où les laïcs de Nidaa Tounes sont arrivés en tête avec 86 élus devant les islamistes d’Ennahda (69 députés), ce scrutin présidentiel est le point d’orgue de la transition démocratique souvent chaotique entamée après la « révolution de jasmin » de 2011.

Quelque 5,3 millions d’électeurs étaient attendus dans les urnes dimanche en Tunisie. La participation a atteint 64,6%, un score « honorable » selon le président de l’ISIE, Chafik Sarsar, cité par l’agence tunisienne de presse Tap.

« C’est une nouvelle fois un grand jour dans l’histoire de la Tunisie. Nous sommes maintenant le seul pays du monde arabe qui ne sait pas quel sera le nom de son président avant la fin du scrutin », se réjouissait dimanche Mouna Jeballi une électrice de Tunis

Depuis la chute de Ben Ali, première victime du « printemps arabe » le 14 janvier 2011, la Tunisie s’est dotée d’une nouvelle Constitution et les partis laïcs et islamistes ont dans l’ensemble réussi à s’entendre pour éviter au pays de sombrer dans le chaos, comme les autres Etats dont les régimes autoritaires ont été renversés ou contestés par des mouvements populaires.

Les élections constituantes d’octobre 2011 ont dessiné le paysage des trois premières années de la transition, dominé par l’alliance formée entre les islamistes d’Ennahda et les laïcs du CPR de Marzouki et d’Ettakatol.

Malgré des violences imputées à des islamistes radicaux, dont le meurtre de deux responsables de l’opposition laïque en 2013, la Tunisie a échappé en grande partie aux troubles, au chaos voire à la guerre civile dont sont victimes à des degrés divers l’Egypte, la Libye et la Syrie.

Elle s’est dotée en janvier d’une nouvelle constitution garantissant notamment la liberté de culte et l’égalité des sexes tandis qu’un gouvernement de « technocrates » dirigé par Mehdi Jomaâ prenait le relais du gouvernement dirigé par Ennahda.

Le parti islamiste n’a pas présenté de candidat à l’élection présidentielle ni donné de consignes de vote. « Le contexte politique actuel est extrêmement favorable à Essebsi du fait du refus du parti islamiste de soutenir un candidat à la présidentielle », analysait avant le vote Riccardo Fabiani, de l’Eurasia Group.