L'avenir d'une pilule utilisée par un demi-million d'Américaines chaque année pour interrompre leur grossesse se joue mercredi au Texas devant un juge ultraconservateur, à qui des opposants à l'avortement demandent de suspendre son autorisation sur toute l'étendue du territoire américain.
L'audience, dont la tenue a été tenue secrète jusqu'à lundi pour éviter d'éventuels débordements, a débuté à 09H00 (14H00 GMT) dans un tribunal d'Amarillo, et seul un public très restreint a été autorisé à y assister.
A l'extérieur, une poignée de manifestants brandissent des pancartes "Pas votre utérus, pas votre décision" ou "Défendons l'avortement médical". Parmi eux, Lindsay London, une infirmière de 41 ans, déplore un recours juridique "100% idéologique, qui n'a aucun fondement scientifique".
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Le juge Matthew Kacsmaryk, qui fut juriste pour une organisation chrétienne avant d'être nommé à ce poste par l'ex-président républicain Donald Trump, consacrera plusieurs heures à interroger les parties.
Il pourra ensuite rendre sa décision à tout moment dans ce dossier susceptible d'avoir un impact aussi retentissant que l'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis ayant dynamité, en juin dernier, le droit à l'avortement au niveau fédéral.
Depuis, une quinzaine d'Etats ont interdit tous les avortements sur leur sol, et donc la pilule abortive. Mais celle-ci reste très utilisée ailleurs. C'est ce qui est menacé aujourd'hui.
"La politique plutôt que la science"
En novembre, une coalition de médecins et de groupes anti-avortement a porté plainte contre l'Agence américaine du médicament (FDA), à qui ils reprochent d'avoir autorisé il y a 23 ans la mifépristone (RU 486), une des deux pilules utilisées pour les interruptions médicamenteuses de grossesse.
Les plaignants accusent la FDA d'avoir choisi "la politique plutôt que la science", en approuvant un produit chimique "dangereux", et d'avoir au passage "outrepassé ses prérogatives".
En attendant l'examen des arguments de fond, ils ont demandé que l'autorisation de la mifépristone soit suspendue sur l'ensemble du territoire.
Stratégiquement, ils ont introduit leur recours à Amarillo, une ville texane à l'écart des grands centres urbains, où Matthew Kacsmaryk est le seul juge fédéral.
Son profil et son opposition revendiquée à l'avortement ont fait monter l'inquiétude dans les rangs des défenseurs du droit à l'IVG.
"Il paraît incroyable qu'un simple juge du Texas puisse rendre une décision qui aurait un impact sur un produit approuvé par les autorités sanitaires et commercialisé en toute sécurité depuis plus de vingt ans", fustige Elisa Wells, fondatrice du réseau Plan C d'information sur les pilules abortives, auprès de l'AFP.
53% des IVG
Une telle décision serait "dévastatrice pour les femmes", avait déjà dénoncé il y a dix jours la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.
Depuis l'an 2000, plus de 5,6 millions de femmes ont eu recours à cette pilule aux Etats-Unis et une infime proportion (moins de 1.500) ont ensuite connu des complications, sans qu'un lien ne soit établi, d'après la FDA.
Aujourd'hui, la majorité (53%) des interruptions de grossesse sont médicamenteuses, une procédure moins intrusive et moins coûteuse que les avortements chirurgicaux.
La décision du juge Kacsmaryk, quelle qu'elle soit, pourra faire l'objet d'un appel qui sera examiné par la cour d'appel fédérale de la Nouvelle-Orléans, elle aussi connue pour son conservatisme. Le dossier pourrait à nouveau finir devant la Cour suprême des Etats-Unis qui, depuis son remaniement par Donald Trump, compte six magistrats conservateurs sur neuf.
Même si la justice suspendait en fin de compte l'autorisation de la FDA, il faudrait sans doute plusieurs mois avant que sa décision ne s'applique. Selon des experts en droit de la santé, le régulateur du médicament doit respecter une procédure stricte avant de retirer l'autorisation d'un produit.
Les femmes et les médecins pourraient aussi se rabattre sur une seconde pilule, le misoprostol, dont l'usage se combine aujourd'hui avec la mifépristone pour une plus grande efficacité et moins de douleur.
"Dans tous les cas, je pense que ce sera chaotique quand le juge rendra sa décision", prédit Elisa Wells.
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