M. Zuma, 80 ans, est accusé d'avoir touché des pots-de-vin du groupe français de défense Thales. Dans cette affaire vieille de plus de 20 ans, l'ancien chef d'Etat (2009-2018) est poursuivi pour 16 chefs d'accusation d'escroquerie, corruption et racket. Thales est aussi poursuivi pour corruption et blanchiment d'argent.
Le procès avait débuté en mai 2021, après avoir déjà accumulé de nombreux retards notamment causés par de multiples recours de l'accusé et des reports obtenus par son armée d'avocats invoquant des raisons de santé.
Dans une dernière tentative de gagner du temps, Jacob Zuma tente depuis plusieurs mois de faire récuser le procureur général au procès, Billy Downer. Il accuse ce dernier de partialité et d'avoir fait fuiter des éléments du dossier dans la presse.
Le juge Piet Koen avait tranché la question du renvoi du procureur en octobre 2021 au tribunal de Pietermaritzburg (sud-est), déclarant la demande "irrecevable" car elle "entraînerait immanquablement des retards". Il avait alors qualifié les accusations de M. Zuma de "frivoles, absurdes".
La justice avait ensuite refusé à l'ex-président le droit de faire appel de cette décision, la Cour suprême d'appel jugeant que les demandes de M. Zuma n'ont "aucune perspective raisonnable de succès en appel et qu'il n'y a aucune autre raison impérieuse pour qu'un appel soit entendu".
Cette dernière décision avait levé l'un des derniers obstacles juridiques à l'ouverture du procès pour corruption. En dernier ressort, Jacob Zuma a récemment lancé des "poursuites privées", possibles dans le droit sud-africain dans le cadre d'une procédure pénale, lorsque le parquet national refuse de poursuivre.
Or lundi, le juge Koen, impassible derrière ses lunettes accrochées au bout de son nez et vêtu de sa robe rouge, a expliqué se retirer pour préserver la justice. "Je dois me récuser du procès. C'est ce que me dicte la bonne administration de la justice, la Constitution et ma conscience", a-t-il déclaré au tribunal de Pietermaritzburg lors d'une audience retransmise à la télévision.
Un nouveau juge
Ses "commentaires" sur le rejet de la procédure pour renvoyer le procureur Downer peuvent porter un "impact collectif" notamment "lorsque la question de savoir si M. Zuma a bénéficié d'un procès constitutionnellement équitable se posera", a expliqué le juge Koen, avouant prendre une décision "pas facile".
"L'intégrité du processus judiciaire doit être protégée contre tout soupçon raisonnable, afin que le public et les parties puissent avoir la plus grande confiance dans l'intégrité et l'équité de nos tribunaux", a-t-il ajouté.
Le porte-parole de M. Zuma, Mzwanele Manyi, a salué une décision prise "dans l'intérêt de la justice". L'ancien chef d'Etat n'était pas présent à l'audience technique.
"Si le juge Koen ne continue pas le procès, un nouveau juge devra" siéger, a expliqué à l'AFP Cathy Powell, constitutionnaliste à l'Université du Cap. La procédure subira, selon la spécialiste, de nouveaux "énormes retards" même si à ce stade, aucun témoin n'a encore été entendu au procès.
Un rapport historique sur la corruption rampante pendant les neuf années de la présidence Zuma, remis l'an dernier au président Cyril Ramaphosa, a mis en lumière le rôle central de l'ex-chef d'Etat dans le pillage systématique des caisses publiques.
Jacob Zuma, qui a obstinément refusé de témoigner devant une commission anti-corruption, avait été condamné à 15 mois de prison pour outrage à la justice. Son incarcération en juillet 2021 avait déclenché une vague sans précédent de violences et de pillages en Afrique du Sud dans un contexte socio-économique dégradé.
Il a été mis en liberté conditionnelle au bout de deux mois pour raison médicale. La prochaine audience dans son procès pour corruption a été fixée au 17 avril. Le juge Nkosinathi Chili a été désigné pour reprendre les rênes.