Les Afro-Américains retrouvent leurs racines grâce à l'ADN

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Quelques gènes ADN pour trouver leurs origines africaines (vidéo)

Aux États-Unis, les Africains-Américains sont très nombreux à tester leur ADN pour découvrir d'où ils viennent en Afrique. VOA Afrique est allé à leurs rencontres.

Impatiente, Laquana Cooke regarde ses e-mails tous les jours. Elle scrute son écran d’ordinateur dans l’espoir de voir enfin les résultats de son test ADN. Elle sait que sa famille vient de quelque part en Afrique, mais elle veut savoir quel pays, quelle culture, quelle langue.

“Je suis une mère et je veux pouvoir dire à mon enfant d'où l’on vient”, confie cette professeur d’anglais à West Chester University, en Pennsylvanie. “Vous savez qui vous êtes, mais le test donne une autre dimension à votre identité”.

Au bout de six semaines après avoir envoyé sa salive à une compagnie privée, elle reçoit enfin ses résultats. “Je viens principalement du Cameroun et du Congo!”, s’exclame-t-elle en relisant le document.

“J’ai rencontré un Camerounais à l’université, et j’ai tout de suite pensé à lui!”, se rappelle-t-elle. “J’ai envie de lui dire ‘salut mon frère, comment ça va!’”.

Laquana Cooke a fait le test en participant à un projet dirigé par une autre professeure de son université, Anita Foeman, directeur du département de communication à West Chester University.

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Témoignage de Laquana Cooke après avoir fait un test ADN 2 (vidéo)



Africaine-Américaine, Anita Foeman s’est inspirée de l’émission télévisée Roots, dans les années 1970, dans la recherche de ses origines africaines. Depuis plus de 11 ans, Anita propose à des bénévoles de tester leur ADN et analyse les attentes des participants et leurs réactions lors de la découverte des résultats.

Anita se rappelle d’un cas très spécial. Kimberly, une jeune fille de 20 ans, s’identifiait asiatique et scandinave avant le test DNA. Mais la couleur de sa peau et ses cheveux indique qu’elle a des affiliations africaines.

“Est-ce qu’on te demande si tu es noire?”, lui demande la professeure. Kimberly répond de façon catégorique : “Tout le temps, mais je ne le suis pas!”.

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L'experte Anita Foeman parle de son projet West Chester University


La professeure se doute que les résultats seront un grand choc pour elle. Elle lui demande de consulter ses résultats devant une caméra. “Et en effet, elle avait 25% d’ADN africaine!”, se souvient-t-elle.

“Elle a commencé à en parler et pleurer, expliquant que cela avait toujours été polémique dans sa vie, parfois des personnes ne voulait pas être son amie car elle était noire, ou des personnes ne voulait pas sortir avec elle, donc elle a essayé d’ignorer cette partie de son identité”.

Anita s'inquiète pour son élève, de peur que cette révélation se soit trop brutale. Elle décide de la recontacter pour voir comment elle gère cette nouvelle. “Je me sens légère comme une plume”, lui dit Kimberly.

Le pouvoir par la connaissance

Pamela Hilliard Owens and Myesha Craddock sont cousines. Depuis des années, elles recherchent leur généalogie à travers des documents. Mais le test ADN leur a ouvert une nouvelle porte vers l’Afrique.

“J’ai découvert que nous étions de la Corne d’Afrique, ce qui n’est pas commun!”, souligne Maisha, avocate dans la région de Baltimore. Maintenant qu’elle en connaît ses origines, elle aimerait en savoir davantage sur ses ancêtres africains.

“Le test a confirmé certaines choses, et j’aimerais aller sur place, rencontrer les Africains”, confie-t-elle. “J’aimerais savoir comment les Africains de la Corne d’Afrique vivent, connaître leur culture”.

Avec les réponses viennent d’autres questions: “ j’aimerais savoir comment mes ancêtre sont venus en Amérique, les circonstances qui ont fait d’eux des esclaves”, explique-t-elle.

Pour sa cousine, Pamela, éditrice à Détroit, le savoir donne aussi plus de pouvoir aux Noirs américains. “Ces tests, ça veut dire que notre histoire n’a pas commencé avec l’esclavage!”, analyse-t-elle.

Pamela souligne que les Africains-Américains appellent l’Afrique motherland (patrie), “car ce sont nos frères, nos cousins... Nous sommes liés par l’histoire”.

Effet de mode

Pour Alondra Nelson, professeure de sociologie à Columbia University, les tests ADN ont du succès pour une simple raison: “la promesse des entreprises à la communauté africaine-américaine d’enfin connaître leurs origines niées par la société”.

Pour la majorité de cette communauté, la culture et la langue ont été perdues dès l’arrivée de leurs ancêtres sur le sol américain, forcés à l’acculturation et l’interdiction de leurs pratiques culturelles et religieuses.

Lors de la guerre civile, dans les années 1870, de nombreuses archives ont été détruites sur l’arrivée des esclaves par bateau, rendant encore plus difficile les recherches généalogiques.

Face à cette perte, les tests ADN offre la possibilité d’une solution pour retrouver son pays.

“C’est une victoire car on peut se sentir spolié de cette connaissance. Mais lors de cet accès à ce savoir, les Africains-Américains font face à des vérités difficiles comme les traces de la violence sexuelle pendant l’esclavage”, explique-t-elle, car les plupart des Noirs américains ont souvent un pourcentage européen.

Une fois les résultats connus, les Africains-Américains essaient souvent de se connecter avec la population africaine qui vit dans leur ville, en allant au restaurant par exemple, pour échanger avec eux.

Alondra Nelson explique avoir observé deux types de réactions des Africains quand des résultats sont mis en ligne.

“Soit les Africains disent ‘Bienvenue à la maison’, ou alors ils commencent à rappeler que pour faire partie de telle ou telle tribu, il y a des rites de passages, une langue et une culture à connaître”, souligne-t-elle.

Le test pose aussi des problèmes de lectures historiques avec des pays comme le Cameroun qui n’existait pas lors de la traite des esclaves. Or, de nombreux Africains-Américains se retrouvent avec le Cameroun.

Mais pour Alondra Nelson, le vrai problème est la réduction d’une culture et d’une nationalité à des marqueurs génétiques par des entreprises privées qui collectent des données.

Malgré les différentes critiques, certains Africains-Américains embrassent leur nouvelle culture, parfois en se faisant “renommer” ou en voyageant sur place pour aller à la rencontre de leurs “frères et sœurs”.

Cérémonie de noms

Bernice Bennett n’en croit pas ses yeux quand elle découvre qu’elle était 89% Africaine. “J’ai sauté partout dans mon salon!”, se rappelle-t-elle.

Sur son écran, elle découvre qu’elle a 38% d’ADN du Cameroun et du Congo, 28% de la Côte d’Ivoire et du Ghana, 9% du Sénégal, et 5% du Bénin et Togo.

Dès lors, elle contacte l’association ivoirienne La Main Tendue qui organise des cérémonies de “nomination”, afin de redonner un prénom africain à ces nouveaux membres de la communauté.

“Je suis N’Gantcha, qui veut dire la jumelle”, explique Bérénice, montrant fièrement le certificat en papier qu’elle a également reçu ce jour-là.



Originaire de la Nouvelle Orléans, elle ne se rappelle pas avoir entendu parler de l’Afrique, “pourtant nous utilisons le terme africains-américains” souligne-t-elle.

En grandissant, elle se demande d’où sont venus ses ancêtres amenés de force sur le territoire américain. Quand elle reçoit ses résultats, elle se sent libre de pouvoir dire “je suis Africaine”, et même de pouvoir dire exactement de quelle région. Une délivrance.

Bernice est allée en Afrique pour la première en 1994, dans la ville sud-africaine du Cap. Elle se rappelle ce qu’elle a ressenti quand elle est arrivée sur le continent.

“Juste de toucher le continent, je me suis sentie si fière d’être au milieu des Africains”, se remémore-t-elle. “Une personne m’a même dit ‘bienvenue chez toi ma sœur’, vous ne pouvez pas imaginer ce que j’ai ressentie à ce moment-là,... J’étais à la maison!”.

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Témoignage de Bernice Bennett après avoir fait un test ADN (vidéo)