Questions sur la promesse de Dos Santos de quitter le pouvoir en 2018

José Eduardo dos Santos, le président angolais, à Luanda, 28 août 2012.

Partira, partira pas ? Le président angolais José Eduardo Dos Santos a entamé cette semaine la trente-huitième année d'un règne sans partage qu'il dit vouloir cesser d'ici deux ans, une promesse qui suscite autant de doutes que de questions.

"J'ai pris la décision de quitter la vie politique en 2018". Lancée en mars devant les cadres de "son" Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA), l'annonce du maître de l'Angola a pris tout le monde de cours, d'autant plus qu'il n'a avancé aucune raison.

Sur un continent où la longévité politique est souvent devenue la règle, M. Dos Santos, 74 ans, est un champion. Seul son homologue équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema le devance pour le titre de doyen, d'un seul petit mois...

Entré en fonction le 21 septembre 1979, l'ex-rebelle a progressivement pris le contrôle de tous les organes de l'Etat. Chef du parti majoritaire, il dirige les armées, le gouvernement ou encore la police et nomme les principaux juges.

Mieux, il a confié le contrôle des principales institutions du pays à des proches.

Comme un symbole de sa mainmise sur le pays, il a fait en juin de sa propre fille Isabel la patronne de la Sonangol, la société nationale d'hydrocarbures, principale ressource du pays.

La "princesse", comme on l'appelle, est considérée comme la femme la plus riche d'Afrique avec un patrimoine estimé par le magazine américain Forbes à 3 milliards d'euros, dans un pays qui figure dans le peloton de tête des Etats les plus pauvres, corrompus et répressifs de la planète.

"L'anniversaire" de cette semaine n'a donc guère suscité qu'un haussement d'épaules fataliste des contempteurs du régime. "Une dictature laide", résume Raul Danda, le vice-président de l'Unita, le principal parti d'opposition.

L'emprise exercée sur le pays par M. Dos Santos est telle que beaucoup ne croient pas à son départ annoncé.

"Comment un homme politique peut-il, à un an des élections, annoncer qu'il va abandonner la vie politique un an après ces élections ?", s'amuse le directeur du journal d'opposition Folha 8, William Tonnet, qui dénonce un "canular".

Dynastie

Le mois dernier, le chef de l'Etat a été réélu sans surprise à la tête du MPLA. Ce qui prolongerait de cinq ans son mandat à la tête de l'Angola, dans l'hypothèse plus que probable d'une nouvelle victoire du parti au pouvoir en 2017.

"C'est un vrai despote, un faux démocrate", accuse le rappeur Adao Bunga "McLife", du Mouvement révolutionnaire pour l'Angola. Et l'annonce de son départ "une autre feinte du dictateur pour endormir le peuple angolais".

Lors d'un entretien accordé en 2013 à une télévision brésilienne, M. Dos Santos avait jugé son règne "trop long". Pour aussitôt le justifier par la nécessité de redresser l'économie du pays et de "consolider les institutions de l'Etat" après quasiment trente ans de guerre civile (1975-2002).

Mais même au sein de son parti, la perspective d'une retraite du "chef" reste encore lointaine.

"La Constitution l'autorise à faire encore un mandat" jusqu'en 2022, rappelle Joao Pinto, professeur de droit et député du MPLA.

La situation économique délicate que traverse l'Angola, touché de plein fouet par la chute des cours de l'or noir, et, surtout, les difficultés que laisse présager sa succession pourraient effectivement retarder son départ.

Depuis mars, les spéculations vont bon train mais les opposants au régime privilégient tous un scénario dynastique.

"Il va laisser la place à un de ses fils, il ne fait confiance à personne d'autre", pronostique Nelson Pestana Bonavena, du parti d'opposition Bloc démocratique. "Il a déjà placé deux de ses fils (dont Zenu) au Comité central du MPLA et sa fille à la tête de la Sonangol pour garder le contrôle total de l'économie du pays."

"Il peut partir et céder sa place (...) quelques mois avant les élections de 2022" à son fils Zenu ou sa fille Isabel, parie le politologue Agostinho Dos Santos.

Une hypothèse mise en cause par certains analystes, qui font état de contestations au sein du parti au pouvoir.

"Aucun de ses enfants n'a la légitimité de reprendre la main. S'il meurt en charge, je pense plutôt que ce sera un de ses frères d'armes du MPLA qui reprendra les rênes du pouvoir", juge Benjamin Augé, chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Avant de mettre en garde contre tout pronostic. "Sur le continent, l'Angola a assez peu de concurrent en terme d'opacité", prévient-il.

Avec AFP