Témoignage d’une nigériane forcée à être kamikaze

Des enfants -captifs des extrémistes islamistes dans la forêt de Sambisa- secourus par l'armée nigériane, arrivent dans un camp à Yola, au Nigeria, le 2 mai 2015. (AP Photo/Sunday Alamba)

"Quand je me suis réveillée, j'ai réalisé qu'on m'avait déshabillée et équipée d'un gilet bourré d'explosifs", raconte une mère de famille enlevée et droguée par Boko Haram.

"Tu vas accomplir l'œuvre de Dieu", lui a chuchoté le combattant de Boko Haram sur la banquette arrière, juste avant qu'elle ne parvienne à échapper à ses ravisseurs. Khadija Ibrahim, une Nigériane de 30 ans, affirme avoir été enlevée pour être kamikaze.

C'est à la demande du gouverneur de l'Etat de Kano, Umar Ganduje, que Khadija a décrit dimanche devant la presse comment elle a réussi, deux jours plus tôt, à s'enfuir après avoir été enlevée et droguée par deux rebelles islamistes qui menaçaient de la transformer en bombe humaine.

Le récit de cette mère de trois enfants confirme l'hypothèse selon laquelle les femmes kamikazes utilisées par Boko Haram ne sont pas consentantes. Depuis l'été 2014, le groupe islamiste a multiplié les attaques contre les cibles vulnérables, comme les marchés ou les lieux publics.

La jeune femme a raconté comment elle était montée d'elle-même dans la voiture des rebelles, vendredi, alors qu'elle attendait un bus dans la gare routière de Maiduguri (nord-est) pour se rendre chez le médecin.

"Ils m'ont proposé de me déposer, ce que j'ai tout de suite accepté parce que je voulais arriver à l'heure à l'hôpital. Ils m'ont alors droguée en plaçant quelque chose sur mon nez et j'ai perdu connaissance", a-t-elle témoigné.

"Quand je me suis réveillée, j'ai réalisé qu'on m'avait déshabillée et équipée d'un gilet bourré d'explosifs. Et j'ai entendu l'un de mes ravisseurs murmurer à mon oreille que j'allais accomplir l'œuvre de Dieu."

Selon Khadija, ses ravisseurs lui ont alors révélé l'emmener à Kano, à plus de 500 kilomètres à l'ouest, pour attaquer le marché au textile de Kantin Kwari dans le nord-est de la ville.

-l’occasion de s’enfuir-

Une fois les effets de la drogue passés, elle a feint d'être inconsciente jusqu'à ce que se présente une occasion de s'enfuir, a-t-elle rapporté. A deux reprises, les rebelles ont dû arrêter le véhicule en surchauffe.

Khadija a dépeint comment elle a réussi à détacher son gilet explosif lors du second arrêt qui s'est produit après leur arrivée à Kano, tard vendredi soir: "Tandis que le conducteur est parti chercher de l'eau, l'autre homme est sorti examiner le moteur derrière le capot grand ouvert, ce qui m'a donné une occasion pour sortir en courant du véhicule."

Une autre femme était avec elle dans la voiture. Khadija suppose qu'elle aussi avait été droguée car elle semblait "abêtie et inconsciente de ce qui se passait autour d'elle".

La jeune femme dit avoir ensuite été prise en charge par un homme dans le quartier de Hotoro, à Kano, vers 23H00 (20H00 GMT) qui l'a conduite au poste de police. Les policiers l'ont accompagnée chez le gouverneur Ganduje.

"Si cette femme n'avait pas retrouvé connaissance, l'histoire aurait été bien différente", a souligné dimanche le gouverneur face aux journalistes.

Boko Haram avait déjà ciblé le marché de Kantin Kwari: en décembre 2014, deux jeunes femmes s'étaient fait exploser, tuant quatre personnes, tandis qu'une troisième kamikaze s'était refusée à actionner sa bombe et avait été interpellée.

En juillet 2014, Kano avait déjà connu une série d'attentats suicide commises par des jeunes femmes.

Selon des témoignages locaux, Boko Haram a également utilisé des enfants et des adolescentes comme kamikazes, dont plusieurs ont péri dans des attentats. Certains témoins d’explosions ont même rapporté qu’un gilet d’explosifs porté par une petite fille aurait peut-être été actionné à distance.

Avec Afp