Les dix derniers jours ont été marqués par de violents affrontements dans le nord du Bénin occasionnant des morts civils et des blessés graves dans les rangs des forces de l'ordre.
Your browser doesn’t support HTML5
Le dialogue politique semble montrer ses limites et les regards sont tournés vers les chefs traditionnels et les rois pour aider au retour à la paix. Mais les gardiens de la tradition eux-mêmes sont méfiants quant à leur incursion dans ce dialogue.
David Coffi Aza est prêtre du fâ. Il s'inquiète de la politisation des cours royales et couvents. Pour lui, "la politisation à outrance du monde traditionnel a été causée par la force de l'argent".
"Tous les rois font de la politique, tout le monde fait de la politique dans le milieu traditionnel. Tout simplement parce que c'est facile d'avoir de l'argent en faisant de la politique dans ce domaine. Dans 25 ans, quel sera l'avenir du monde vaudou? Personne ne se pose la question."
Calixte Kpomalegni est chef traditionnel. Pour lui, en tant que garant de la tradition, les religions endogènes pouvaient bien aider à ramener la paix si la corruption ne s’était pas emparée du monde traditionnel.
Pour lui, "la politisation des cours royales et couvents a commencé depuis que ceux qui maîtrisent un peu le français ont commencé par être intronisés."
"Les rois et chefs traditionnels doivent apprendre la couronne qu'ils ont sur la tête. Cela fait d'eux des rassembleurs. Ils ne doivent pas prendre faits et causes pour l'un au détriment de l'autre. En réalité on a amorcé une déchéance au niveau de la tradition depuis que ceux qui savent parler le français ont commencé par être intronisés. Ils y ont transplanté l'esprit de la corruption et de l'escroquerie."
Pendant que certains dénoncent la politisation à outrance des couvents et cours royales, d'autres pensent que pour sa survie, le chef traditionnel n'a parfois pas le choix. Dah Adjanilé pense que "pour avoir des dignitaires neutres, il faut que l'État pense à soutenir financièrement à travers un fonds les religions endogènes."
"On dit que les dignitaires font de la politique, mais on ne peut même pas les condamner. On dit dignitaire je m'incline, tu t'inclines et moi je n'ai rien à manger. On ne nous confie rien, qu'allons-nous manger. Alors si pour survivre, le dignitaire est obligé de raser la cour des députés, des ministres, moi je n'y trouve aucun inconvénient. Celui qui n'a pas d'autres moyens, d'autres sources de revenus ne peut que procéder ainsi."
Le 10 janvier, lors de la fête des religions endogènes, certains fidèles ont fait part de leur désir de voir les religions jouer leur rôle pour le retour à la paix. Mais pour cela il est important de se débarrasser de la politisation et d'avancer en toute neutralité, pense Hounon Behumbeza.
Pour lui, "si les dignitaires ne soignent pas l'image des religions endogènes, les Béninois finiront par ne plus y croire".
"Tout dépendra des dignitaires. Pour que les gens nous refassent confiance, il faudra qu'on fasse des efforts. Nous devons protéger, nous devons prendre soin, nous devons rehausser notre religion avant que les autres ne la prennent au sérieux. Le vaudou est tellement marginalisé aujourd'hui qu'on ne sait plus quoi faire."
Travailler à redorer le blason des religions endogènes pour parvenir à être crédibles aux yeux de tous les Béninois. C'est entre autres la mission que se sont assignés les gardiens de la tradition. Ils espèrent y parvenir pour apporter leur pierre au retour à la paix encore très fragile au Bénin.