A Kigali, capitale du Rwanda, ceux qui respectent pas le couvre-feu ou ne portent pas de masque facial sont soit condamnés à une amende, soit contraints de suivre pendant de longues heures des enseignements sur la prévention du coronavirus et les gestes barrières.
Jour et nuit, les policiers patrouillent les rues et appréhendent quiconque ne porte pas de masque ou déambule après 21H00, début du couvre-feu.
Ainsi, depuis mi-juillet, quelque 70.000 personnes ont été arrêtées et conduites dans un stade ou un centre de détention, selon les chiffres officiels.
"J'étais dans le magasin où je travaille, mon masque sur le menton et c'est là qu'ils (les policiers) m'ont trouvé et m'ont dit: 'Tu ne portes pas ton masque correctement'. Ils m'ont dit qu'ils allaient m'emmener dans un endroit pour m'apprendre comment porter le masque", raconte Jado, un commerçant. "A partir de maintenant, je le porterai où que je me trouve", promet-il.
Lire aussi : Des tribunaux mobiles "COVID" pour faire respecter les mesures sanitaires par les NigériansAinsi, chaque nuit, des centaines de personnes se retrouvent dans des stades gardés par des policiers armés.
Assis sur les gradins à plus d'un mètre les uns des autres, avec interdiction de bouger, dans la fraicheur nocturne, les punis du Covid doivent écouter des messages de prévention jusqu'à l'aube, avant d'être relâchés avec ordre de se placer en auto isolation. Les autorités informent les employeurs pour faire respecter cette mesure, selon un porte-parole de la police.
La presse est régulièrement conviée à filmer et interroger ces détenus d'un jour, des images qui passent sur les médias publics dans le but de dissuader le reste de la population.
Le stade ou l'amende
Dans certains cas, le choix est donné de passer une nuit au stade ou de payer une forte amende de quelque 25.000 francs rwandais pour un particulier (environ 22 euros), dans un pays où un serveur gagne entre 50 et 100 euros par mois.
"J'ai été arrêté deux fois et j'ai passé la nuit au stade en ces deux occasions. La première fois, j'ai été attrapé après le couvre-feu et la seconde fois aussi d'ailleurs. L'alternative, c'était de payer une lourde amende mais je n'ai pas d'argent, je cherche un boulot", témoigne Elly, 25 ans.
Selon la police, ces arrestations jouent un rôle crucial à juguler l'épidémie.
Les journalistes pris dans la nasse
Ceux qui se retrouvent dans les stades font partie des chanceux.
D'autres ont connu des périodes de détention plus longues et sont menacés de poursuites pour "rébellion contre les autorités", passible d'un an de prison au Rwanda.
La plupart d'entre eux sont des journalistes et des blogueurs qui ont tenté d'enquêter sur tel ou tel aspect de l'épidémie dans le pays.
Ainsi, Dieudonné Niyonsenga, un blogueur en vue, a été arrêté en avril, alors qu'il tentait de documenter les effets de l'épidémie dans les couches les plus pauvres de la population.
Avant son arrestation, il avait travaillé sur des allégations de viols qui auraient été commis par des soldats chargés de faire respecter le couvre-feu. Il est désormais poursuivi pour usurpation d'identité, fraude et rébellion.
L'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a demandé aux autorités rwandaises "de mettre un terme aux détentions arbitraires, y compris des journalistes et blogueurs qui tentent de mettre au jour des abus".
HRW a également appelé les autorités à enquêter sur "les allégations de meurtres, viols et autres crimes sérieux pesant sur les forces de sécurité pendant le confinement".
Le Rwanda, avec environ 12,5 millions d'habitants, totalise un peu plus de 2.100 cas, dont moins de 900 actifs et cinq décès. Le pays a administré plus de 280.000 tests, un ratio qui le place parmi les bon exemples de la lutte sur le continent africain.
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