Pionnier des huiles essentielles au Rwanda, M. Hitimana dit avoir compris il y a plus de 10 ans "l'intérêt de développer des cultures à haute valeur commerciale" dans une nation vallonnée de 26.000 kilomètres carrés qui compte relativement "peu de terres arables", même si l'agriculture représente 30% du PIB et emploie 80% de la population.
"Sur un hectare, si l'on cultive du haricot, on gagne environ 2.000 dollars par an, alors que sur la même surface, si l'on cultive du géranium, les revenus peuvent s'élever à 6.000, voire 8.000 dollars", poursuit-il.
Cet agronome de formation, qui incarne l'ambition rwandaise de diversifier son agriculture et d'augmenter la valeur de ses exportations, notamment en se positionnant sur le lucratif marché mondial des huiles essentielles, importe depuis 2004 des géraniums d'Afrique du Sud.
La plante était jusqu'alors inconnue au Rwanda, mais M. Hitimana était convaincu que la filière avait "un grand potentiel". "En Afrique du Sud, il ne peut y avoir que deux saisons de récoltes par an. Mais ici, comme il n'y a pas d'hiver, il est possible d'aller jusqu'à quatre récoltes par an", assure-t-il.
Depuis ses débuts, son entreprise Ikirezi Natural Products s'est diversifiée. Forte de 25 hectares de plantations, elle produit également des huiles essentielles de patchouli, de citronnelle et d'eucalyptus.
Sarcler, biner, irriguer
Après un démarrage difficile, la société de M. Hitimana produit désormais une tonne d'huiles essentielles par an, utilisées dans l'industrie de la parfumerie et exportées en Afrique du Sud, au Canada et aux États-Unis, notamment.
L'entrepreneur emploie également plus de 70 agriculteurs. "Au début, cela n'a pas été facile de les convaincre d'abandonner une agriculture vivrière pour une agriculture commerciale", de surcroît exigeante, se remémore l'entrepreneur.
"Il faut planter à temps, mettre du fumier à temps, sarcler, biner, irriguer et récolter à temps", au risque de faire chuter le rendement "de manière drastique", énumère-t-il, notant qu'il faut entre 600 kilos et une tonne de géranium pour produire un kilo d'huile essentielle.
Quelques années plus tard, à la faveur d'un système de rémunération incluant des primes au mérite, les employés semblent convaincus.
"Depuis que je travaille ici, j'ai pu me construire une maison avec un toit en tôle, je peux payer la scolarité de mon fils et acheter tout ce dont j'ai besoin", explique Stéphanie Mukamana, 55 ans, en arrachant les mauvaises herbes entourant un pied de géranium.
Marchés nouveaux et lucratifs
En 2016, le Rwanda a exporté environ 14 tonnes d'huiles essentielles - géranium, moringa, patchouli et tagète -, rapportant 473.000 dollars au secteur, selon l'Office national de développement des exportations agricoles (Naeb). Signe de sa volonté de diversification, le Rwanda cultive aussi du pyrèthre, une plante servant à faire de l'insecticide naturel.
Selon le cabinet d'analystes Market Research Future (MRFR), les huiles essentielles sont de plus en plus en vogue dans les pays dits "développés" et sont utilisées dans les cosmétiques, aliments ou produits pharmaceutiques. Le volume du marché mondial des huiles essentielles devrait gonfler de 7% entre 2017 et 2022, assure MRFR.
Pour avoir sa part du gâteau, le Rwanda s'est doté en 2014 d'un laboratoire - le premier du genre dans la région - lui permettant de tester la qualité des huiles produites et de s'assurer qu'elles répondent aux normes internationales.
"L'un des principaux défis auxquels le Rwanda est confronté est un déficit commercial croissant et un nombre limité d'entreprises compétitives qui peuvent répondre aux normes régionales et internationales en matière d'exportation", détaille Patience Mutesi, directrice du programme Rwanda de TradeMark East Africa (TMEA) une organisation régionale qui promeut le commerce en Afrique de l'Est et qui a soutenu financièrement le gouvernement rwandais dans ce projet.
Ce laboratoire va "permettre aux entreprises rwandaises d'accéder à des marchés nouveaux et lucratifs (...) en renforçant la confiance des consommateurs dans la qualité des produits rwandais", poursuit-elle.
Assis devant un chromatographe flambant neuf dans le laboratoire, à Kigali, Antoine Mukunzi, un responsable de l'Office rwandais de la normalisation, déchiffre: "Nous ne pouvons pas rivaliser en terme de volumes exportés, mais nous le pouvons en terme de qualité".
Et de conclure: "C'est pourquoi nous faisons de gros efforts pour nous assurer que nos produits répondent aux normes exigées. Afin d'être compétitifs et ainsi d'optimiser les revenus de nos exportations."
Avec AFP