"Il y aura un avant et un après #balancetonporc", prédit la militante féministe Caroline De Haas, citant le mot-dièse qui a fait florès sur les réseaux sociaux pour dénoncer des agressions, harcèlements ou violences sexistes.
Car "si beaucoup de femmes n'ont pas témoigné, elles ont forcément été impactées", ajoute la militante.
Sous ce mot-dièse ou sous #metoo ou #moiaussi, ce sont d'innombrables témoignages qui ont déferlé, relatant toute une palette de comportements, allant du commentaire sexiste à l'agression physique.
"L'ampleur des témoignages et leur démultiplication sur les réseaux sociaux sont des nouveautés: c'est le résultat d'un travail militant, associatif et intellectuel, sur plusieurs décennies", analyse Christine Bard, historienne du féminisme, professeure à l'Université d'Angers (ouest).
Les témoignages ont afflué de toutes parts, relatant aussi bien du harcèlement dans la rue que dans l'entreprise ou le monde politique.
"Toutes ces femmes, de partout, qui disent la même chose, brisent le silence et la logique individuelle qui fait croire qu'on est seule à avoir peur, cela fait chaud au cœur", selon elle.
- Risque d'épiphénomène -
Preuve du nombre important de ces agissements, les associations d'aide aux victimes ont été particulièrement sollicitées, notamment le numéro français Viols femmes informations où le standard a "explosé", selon Emmanuelle Piet, présidente du Collectif français contre le viol (CFCV) qui gère la ligne.
Mais, après une semaine de "grande euphorie", la féministe Caroline De Haas est, elle, "en train de redescendre".
"L'ampleur de la résistance et la violence des commentaires suite aux témoignages révèlent un déni de notre société, des individus et des responsables politiques vis-à-vis du harcèlement sexuel", déplore-t-elle.
Un "déni" subsiste sur "l'ampleur et la réalité" des violences sexistes, estime également la sociologue Alice Debauche, maîtresse de conférence à l'université de Strasbourg (est).
"Si ce qui s'est passé ces derniers jours ne s'accompagne pas de campagnes publiques d'information, de prévention et d'éducation, ça risque de rester un épiphénomène. Il faudrait que le débat se prolonge dans les espaces publics: politiques et médiatiques", juge-t-elle.
La sociologue reconnaît que "en termes d'ampleur des témoignages, notamment d'anonymes, on est sur quelque chose d'assez massif comparé à ce qui avait pu se produire avant".
Mais, même si on peut noter "une baisse de tolérance, au moins sur les actes les plus graves", c'est "plus compliqué concernant ce que certains ont envie de qualifier de drague lourde ou de séduction, et qui s'appelle harcèlement sexuel dans le code pénal".
"Là, on continue à avoir des tolérances assez importantes de la part d'un grand nombre de personnes", selon Mme Debauche.
Le gouvernement français prépare pour 2018 un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. L'aspect le plus débattu est une verbalisation du harcèlement de rue, zone grise que le législateur devra définir.
Le président Emmanuel Macron a annoncé une "procédure de verbalisation plus simple", déplorant qu'"aujourd'hui, bien souvent, on ne va pas porter plainte, parce qu'on n'ose pas".
Selon un sondage Odoxa-Dentsu publié vendredi, 53% des femmes interrogées disent avoir été victimes d'agression sexuelle et/ou de harcèlement sexuel.
Concernant le hashtag "#balancetonporc", 61% des Françaises et 52% des Français pensent que c'est "une bonne chose". En revanche, 38% des femmes et 47% des hommes le considèrent comme une "mauvaise chose", n'y voyant pas "de vrais témoignages mais des dénonciations non vérifiées qui peuvent donner lieu à tous les dérapages".
Avec AFP