Après quelque 15 heures de débats, les sénateurs, qui votaient à la majorité simple, se sont déclarés mercredi à l'aube, par 59 voix contre 21, pour la tenue du procès de Mme Rousseff, suspendue depuis le mois de mai sous l'accusation de maquillage des comptes publics.
La séance, dirigée par le président du Tribunal suprême Ricardo Lewandowski, avait débuté mardi à 09h45 heure locale (12h45 GMT).
C'était l'avant-dernière étape d'un marathon politique entamé il y a plusieurs mois à Brasilia: après le vote d'une commission spéciale de sénateurs jeudi dernier, le Sénat s'est cette fois prononcé en séance plénière.
Les adversaires de la présidente de gauche du Brésil n'avaient besoin que de la majorité simple, sur 81 sénateurs, pour pousser vers la sortie Mme Rousseff, la dauphine politique de l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, principal artisan de l'attribution en 2009 des JO à Rio de Janeiro.
Mme Rousseff a été suspendue de ses fonctions le 12 mai par la chambre haute et c'est son ancien vice-président devenu son rival, Michel Temer, 75 ans,qui assure depuis l'intérim à la tête de l'Etat.
Pour les deux camps, l'issue ne faisait guère de doute.
"La présidente est toujours plus isolée. Un isolement très grand qui s'est aggravé ces dernières semaines et qui concerne même son propre parti", avait déclaré à l'AFP le sénateur Aloysio Nunes, du parti social-démocrate PSDB.
Le PSDB est le principal parti d'opposition au Parti des Travailleurs (PT, gauche) de Mme Rousseff et un soutien de M. Temer (PMDB, centre droit).
"Je ne doute pas une seconde que, à l'instar du jugement définitif, le vote sera en faveur de l'+impeachment+ et qu'elle sera destituée", déclarait M. Nunes.
Du côté des alliés de Mme Rousseff, la sénatrice Vanessa Grazziotin avait concédé par avance la défaite. "Ils vont y arriver avec une certaine facilité", regrettait-elle.
Crise institutionnelle
Après cette nouvelle étape, le procès de Mme Rousseff devrait s'ouvrir le 25 août, quatre jours après la fin des Jeux Olympiques, et durer cinq jours. Il se tiendra devant le Sénat, de nouveau présidé pour l'occasion par le président du Tribunal Suprême Ricardo Lewandowski. Le vote final se fera à la majorité des deux tiers.
En cas de destitution définitive de la présidente, ce sera la fin de plus de 13 ans au pouvoir pour le Parti des Travailleurs (PT, gauche). Michel Temer, 75 ans, remplacera alors Dilma Rousseff jusqu'à la fin de son mandat, fin 2018.
Mme Rousseff serait alors le deuxième chef de l'Etat brésilien à être écarté du pouvoir, après Fernando Collor en 1992.
M. Collor avait démissionné trois mois après l'ouverture d'une procédure de destitution pour corruption, au moment où le Sénat s'apprêtait à le reconnaître coupable.
La présidente, réélue pour un second mandat de quatre ans fin 2014, est accusée d'avoir maquillé les comptes publics et d'avoir signé des décrets engageant des dépenses non prévues au budget sans avoir demandé au préalable l'accord du Parlement, une pratique à laquelle ses prédécesseurs ont largement eu recours.
Mme Rousseff conteste formellement avoir commis un quelconque "crime de responsabilité" et dénonce un coup d'Etat institutionnel ourdi par M. Temer et la droite brésilienne.
Sur le plan strictement juridique, le parquet brésilien lui a donné partiellement raison en estimant que les tours de passe-passe budgétaires qui lui sont reprochés n'étaient pas constitutifs de crimes.
L'accusation, déjà fragile, ne reposerait plus que sur la signature de quelques décrets litigieux.
Dans les faits, il s'agit aussi et avant tout d'un procès politique intenté à une présidente fragilisée depuis l'éclatement de sa majorité parlementaire au plus fort de la crise politique brésilienne au printemps dernier.
Entre les nouvelles médailles olympiques de Michael Phelps, l'entrée en piste d'Usain Bolt et les attentes autour de la Seleçao de Neymar dans le tournoi olympique, les Brésiliens suivent le dernier acte de cette telenovela politique qui a plongé le Brésil dans sa pire crise institutionnelle depuis des décennies.
Ce géant d'Amérique latine s'achemine vers sa plus forte récession en un siècle, au milieu du gigantesque scandale Petrobras.
Avec AFP