Samura Kamara, l'héritier qui veut devenir président de la Sierra Leone

Samura Kamara, pendant la campagne à Mekeni, dans le nord de la Sierra Leone, le 5 mars 2018.

Economiste de 66 ans gravitant dans les cercles dirigeants en Sierra Leone depuis près de 30 ans, Samura Kamara a été personnellement choisi par le chef de l'Etat sortant Ernest Bai Koroma pour représenter le parti au pouvoir à la présidentielle, dont le second tour se déroule samedi.

A la grande déception de l'administration sortante, qui rêvait d'une élection dès le premier tour le 7 mars, le candidat de l'APC (Parti de tout le peuple) est arrivé en deuxième position, devancé par celui du principal parti d'opposition, Julius Maada Bio, avec 42,7% des voix contre 43,3%.

M. Kamara, né en 1951 à Kamalo, dans le nord du pays, diplômé en économie du Fourah Bay College de Freetown, la plus vieille université d'Afrique de l'Ouest anglophone, est aussi titulaire d'un doctorat en économie du développement de l'Université de Bangor, au Pays de Galles.

Marié et père de famille, ce catholique est issu d'une famille musulmane, comme la majorité de la population.

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Il a travaillé pour le Commonwealth, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, et se présente sur son site officiel de campagne comme un "réformateur", un "négociateur" et le "champion" de la croissance économique. Il met aussi en avant son rôle lors de l'annulation de la dette de la Sierra Leone en 2007.

Selon l'analyste Lansana Gberie, M. Kamara était surtout le "technocrate préféré des politiciens et des militaires", y compris quand le pays était dirigé par des juntes.

Ses adversaires le surnomment "Monsieur 10%", une allusion aux commissions qu'il aurait empochées dans la passation de contrats publics. Une accusation qu'il balaie généralement d'un revers de la main en proclamant son "intégrité" et son "honnêteté".

Après avoir été gouverneur de la Banque nationale de Sierra Leone (2007-2009) puis avoir détenu le portefeuille des Finances (2009-2012), Samura Kamara obtient le ministère des Affaires étrangères.

En octobre 2017, le président Koroma, qui ne peut se représenter après deux mandats, le choisit à la surprise générale, parmi une trentaine de prétendants, dont des figures du parti, pour défendre les couleurs de l'APC lors d'une convention du parti à Makeni (centre), ville d'origine du chef de l'Etat.

Samura Kamara quitte alors le gouvernement pour se lancer dans la course à la présidentielle mais reste discret dans les médias et rares sont les barons de l'APC à s'afficher à ses côtés pendant la campagne.

S'inscrivant dans la continuité de M. Koroma, qui le soutient pour sa part ouvertement, il reste souvent dans l'ombre de son mentor. Lors d'un meeting à Makeni pour le premier tour, il ne s'exprime que quelques minutes, laissant le président sortant monopoliser le micro pour défendre son bilan et critiquer les autres candidats.

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Il arrive toutefois à M. Kamara, à de rares occasions, de prendre ses distances avec M. Koroma. Pendant un débat télévisé, il explique que "le gouvernement est responsable" du retard de développement de certaines régions. Il promet dans la foulée que, s'il est élu, l'APC "fera plus dans les domaines des routes, de l'électricité, de la santé et de l'éducation".

Après le score décevant de l'APC au premier tour de la présidentielle, des figures du parti reprochent ouvertement au président Koroma le choix de ce candidat. D'autant plus que l'APC a largement devancé les partis d'opposition aux législatives qui se tenaient également le 7 mars.

Son site de campagne décrit cet amateur de tennis en besogneux de fond de court, le qualifiant de "machine silencieuse et travailleuse à l'origine de la plupart des succès de l'APC à la tête de l'Etat".

Mais pour espérer l'emporter samedi, Samura Kamara devra plus que jamais compter sur la base traditionnelle du parti et ses ramasseurs de voix, ainsi que sur le poids de M. Koroma.

Avec AFP