Le général Abdel Fattah al-Burhane a levé dimanche l'état d'urgence qu'il avait imposé au Soudan lors de son putsch du 25 octobre, le jour où s'ouvrait à Khartoum le procès de quatre manifestants, dont une icône de la contestation contre les militaires.
Le général Burhane, qui a fait arrêter ses partenaires civils, limogé le gouvernement de transition et imposé l'état d'urgence lors de son coup de force, est sous le feu des critiques de la communauté internationale, qui fait du retour des civils au pouvoir la condition sine qua non pour la reprise de son aide pays, l'un des plus pauvres au monde.
Elle réclame également la fin d'une répression qui a déjà fait une centaine de morts dans les rangs des manifestants pro-démocratie et des centaines d'arrestations.
Lire aussi : Droits humains: une militante soudanaise distinguéeLe général Burhane "a émis un décret levant l'état d'urgence dans tout le pays", a déclaré dans un communiqué le Conseil dont il est à la tête. Il s'agit d'une main tendue "pour créer l'atmosphère nécessaire à un dialogue fructueux et significatif pour la stabilité durant la période de transition".
La transition vers la démocratie a été lancée en 2019 au Soudan, quand militaires et civils se sont entendus pour partager le pouvoir le temps de mener le pays vers ses premières élections démocratiques après 30 années de dictature militaro-islamiste d'Omar el-Béchir, déposé par l'armée sous la pression de la rue.
Enquête sur des tortures
Elle a été interrompue par le putsch du général Burhane qui plaide désormais pour un dialogue avec l'ensemble des forces politiques qu'il appelle déjà à faire des "concessions".
Les Nations unies et l'Union africaine --qui a suspendu le Soudan-- plaident elles aussi pour un dialogue politique sous peine de voir le pays sombrer définitivement "sur les plans économique et sécuritaire" alors que déjà, selon l'ONU, un Soudanais sur deux souffrira de la faim d'ici fin 2022.
Les manifestants anti-putsch, eux, refusent tout dialogue avec les militaires, échaudés par le coup d'Etat d'octobre.
Dimanche, le procès de quatre manifestants détenus depuis quatre mois pour la mort d'un général de police s'est ouvert à Khartoum, alors que des centaines de Soudanais brandissaient leurs portraits devant la salle d'audience, a constaté un journaliste de l'AFP.
Mohammed Adam, jeune icône des anti-putsch et surnommé Tupac par la rue, est apparu aux côtés de ses co-accusés, Mohammed al-Fattah, Ahmed al-Nanna et Mossaab al-Cherif. Poing en l'air, "V" de la victoire et larges sourires, ils ont salué les leurs à leur descente du fourgon de police.
La prochaine audience aura lieu le 12 juin, a annoncé le juge Zouheir Osmane qui a réclamé à la médecine légale un rapport sur de possibles tortures alors que les quatre jeunes avaient mené en mars une grève de la faim pour protester contre "traitements inhumains" et "violences policières".
"Procès de la révolution"
"Ce procès n'est pas seulement celui de quatre révolutionnaires, c'est celui de la révolution", a écrit le comité populaire du remuant quartier de Bourri à Khartoum, appelant à "ne pas laisser les forces contre-révolutionnaires reprendre le contrôle de l'Etat quoi qu'il en coûte".
Ce procès est emblématique dans le pays où la police n'a annoncé que deux morts dans ses rangs, dont ce général de police poignardé à mort selon elle dans le chaos de la dispersion en janvier d'une des nombreuses manifestations anti-putsch.
Plusieurs dizaines de ses proches étaient également présents devant le tribunal dimanche, brandissant des banderoles réclamant "vengeance".
Samedi, deux nouveaux manifestants ont été tués dans de nouvelles protestations anti-putsch. L'émissaire de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, a estimé qu'il était "temps d'arrêter la violence et de mettre fin à l'état d'urgence".
Dimanche, peu avant qu'il ne lève l'état d'urgence, le général Burhane avait reçu des haut-gradés qui l'ont appelé à libérer les manifestants arrêtés sous le coup des lois d'exception et à rendre son accréditation à Al-Jazeera Live, selon son bureau.
Cette chaîne qatarie, interdite en janvier, avait été accusée par les autorités de "couverture non professionnelle" des manifestations.