Soudan du Sud : la capitale secouée par des tirs, les dirigeants appellent au calme

Riek Machar (G) et Salva Kiir (D) à Juba le 29 avril 2016.

La capitale du Soudan du Sud, Juba, a été secouée par de violents échanges de tirs à l'arme automatique vendredi après-midi, le président et le vice-président, tous deux au palais présidentiel, appelant au calme et affirmant tout ignorer des événements en cours.

Ces échanges de tirs, après un premier accrochage sérieux dans la capitale jeudi, ravivent les craintes d'un échec du fragile processus de paix en cours au Soudan du Sud, qui s'apprête à marquer samedi, sans festivités, le cinquième anniversaire de son indépendance.

Vendredi, un correspondant de l'AFP qui se trouvait dans le palais présidentiel a rapporté avoir entendu des rafales d'armes automatique aux alentours de 18h (15h TU).

Les tirs ont d'abord été entendus aux abords immédiats du palais présidentiel, où le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar étaient réunis pour une conférence de presse, selon la même source.

Les coups de feu ont continué pendant une trentaine de minutes, avant que le calme revienne près du palais. Mais des tirs sporadiques pouvaient encore être entendus au loin. A 19h45 (16h45 TU), un calme relatif semblait être revenu dans la capitale, où la nuit était tombée.

"Ce qui se passe en dehors (du palais présidentiel) est quelque chose que nous ne pouvons pas expliquer", a déclaré le président Kiir à des médias locaux, tout en appelant au calme.

"C'est un incident très malheureux et aucun de nous ne sait ce qu'il s'est passé", a pour sa part déclaré au même groupe de journalistes M. Machar, ex-chef rebelle redevenu vice-président en avril.

"Les deux dirigeants appellent au calme (...) Je veux que nos supporters ignorent les folles rumeurs selon lesquelles notre leader (Riek Machar) a été arrêté et contraint de parler aux médias pour apaiser la situation", a déclaré un porte-parole de M. Machar, James Gatdet Dak, sur son compte Facebook.

Ces nouvelles violences, dont on ignorait en début de soirée qui elles opposaient, s'inscrivent dans un contexte de tension accrue à Juba, au lendemain d'un accrochage entre soldats loyaux à M. Kiir et ex-rebelles.

Jeudi, "à 19H55 environ (16H55 GMT), un véhicule transportant des gardes du corps du premier vice-président (Riek Machar) a ouvert le feu sur des forces de sécurité qui procédaient à des contrôles de routine sur des véhicules", avait accusé vendredi dans un communiqué le porte-parole de l'armée gouvernementale, la SPLA.

- Premier accrochage jeudi -

"Cette fusillade hostile a provoqué la mort de cinq soldats de la SPLA et deux autres ont été blessés", avait ajouté le général Lul Ruai Koang. Mais, avait-il précisé, "le haut commandement de la SPLA considère ces affrontements comme un incident isolé qui doit faire l'objet d'une enquête".

Le pays tente de sortir d'une guerre civile de plus de deux ans, débutée en décembre 2013 et qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts.

Dans le cadre d'un accord de paix signé en août 2015 entre les deux principaux protagonistes du conflit Salva Kiir et Riek Machar, ce dernier est revenu en avril à Juba où il a été réinstallé vice-président et a formé avec M. Kiir un gouvernement d'union nationale.

Mais sur le terrain, les hostilités se poursuivent.

En juin, dans la ville de Wau - devenue la deuxième du pays après que celles de Malakal, Bor et Bentiu eurent été partiellement détruites pendant la guerre - les combats ont forcé quelque 88.000 habitants à fuir leurs maisons.

Le conflit a éclaté au sein de l'armée nationale, minée par des dissensions politico-ethniques alimentées par la rivalité entre le président Kiir et son vice-président Machar.

Les combats ont provoqué une crise humanitaire, forçant 2,6 millions d'habitants à fuir leurs foyers et quelque cinq millions, plus d'un tiers de la population, à dépendre d'une aide alimentaire d'urgence.

La guerre a également ravagé l'économie: les prix des biens et services ont explosé depuis l'indépendance en 2011, avec une inflation flirtant actuellement avec les 300% et une devise qui a perdu 90% de sa valeur cette année.

L'International Crisis Group (ICG) a récemment enjoint les Etats garants de l'accord de paix d'agir "de toute urgence" pour le sauver et ainsi "empêcher le pays de retomber dans un conflit à grande échelle".

Avec AFP