Jeudi soir, les tirs à l'arme lourde ont fait frissonner à la nuit tombée les habitants d'el-Facher, le chef-lieu du Darfour-Nord, à quelque 800 kilomètres au sud-ouest de la capitale soudanaise, où des milliers de familles se sont récemment réfugiées, fuyant notamment les exactions des paramilitaires et de miliciens arabes alliés plus à l'ouest.
Depuis le 15 avril, la guerre entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo a ravagé Khartoum et poussé plus de trois millions d'habitants de la capitale à la fuite ou l'exil. Elle a fait 3.900 morts, selon l'ONG ACLED – un bilan très sous-estimé tant le chaos règne et les télécommunications sont coupées la plupart du temps.
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Longtemps concentrés à Khartoum et à certaines villes du Darfour, les combats ont depuis gagné le Kordofan-Nord, carrefour commercial et des transports au Soudan. Jeudi soir, ils se sont étendus à el-Facher et al-Foula, capitale du Kordofan-Ouest, rapportent vendredi des habitants à l'AFP.
"Le plus grand rassemblement"
La situation est particulièrement préoccupante à al-Facher – où les combats avaient cessé il y a près de deux mois –, car de nombreuses familles fuyant pillages, viols, bombardements et exécutions sommaires ailleurs au Darfour (ouest) s'y sont réfugiées.
"C'est le plus grand rassemblement de civils déplacés avec 600.000 personnes qui se sont réfugiées à al-Facher", assure à l'AFP Nathaniel Raymond, directeur du laboratoire en recherche humanitaire de l'Université américaine de Yale.
Des habitants rapportent à l'AFP que les violences ont repris tard jeudi. "A la tombée de la nuit, on a entendu des combats à l'arme lourde venus de l'est de la ville", explique l'un d'eux.
Le conflit est différent au Darfour où des rescapés ont raconté à l'AFP des exécutions sur la base de l'appartenance ethnique. Des milices arabes alliées des FSR abattent des civils uniquement parce qu'ils n'étaient pas Arabes et des colonnes de familles fuient sur des dizaines de kilomètres, au Tchad voisin pour les plus chanceux ou ailleurs au Darfour, désormais en passe de s'embraser partout.
Dans cette vaste région, la guerre avait déjà fait des ravages en 2003 et la Cour pénale internationale (CPI), qui parle de génocide à l'époque met en garde contre une répétition de l'histoire. Après des atrocités assimilées par l'ONU à un "génocide" à El-Geneina, au Darfour-Ouest, les combats se concentrent désormais à Nyiala, chef-lieu du Darfour-Sud, où 20.000 personnes ont récemment fui les tirs croisés.
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"Nous sommes alarmés par les bombardements aveugles sur Niyala par l'armée et les FSR. Chaque jour que ce conflit insensé continue, plus de civils innocents sont tués, blessés ou rendus sans-abri", a déclaré Matthew Miller, porte-parole du département d'Etat américain.
Pillages et incendies
Plus à l'est, à 800 km de Khartoum, al-Foula, le chef-lieu du Kordofan-Ouest, jusqu'ici épargnée, a elle aussi été gagnée par les combats. "Les FSR affrontent l'armée et la police et dans leurs échanges de tirs des bâtiments publics ont été incendiés", rapporte un habitant. "Des magasins ont été pillés et il y a des morts dans les deux camps, mais personne ne peut accéder aux corps dans le chaos", abonde un autre.
Face à l'horreur, la communauté internationale "n'a aucune excuse" pour son retard à soulager les souffrances de la population soudanaise, ont dénoncé mardi des dirigeants de grandes organisations humanitaires. "Nos appels humanitaires peuvent aider quelque 19 millions de personnes au Soudan et dans les pays voisins", affirment les dirigeants regrettant n'avoir reçu qu'un peu plus de 27% de leurs besoins de financement.
"Veuillez changer cela", réclament-t-ils, rappelant que plus de 14 millions d'enfants ont besoin d'aide humanitaire et que plus de 4 millions de personnes ayant fui les combats, se trouvent toujours déplacées à l'intérieur du pays ou réfugiées dans toute la région. Un autre péril guette les habitants: la saison des pluies qui vient chaque année avec sa cohorte d'épidémies et de destructions. Déjà, elle a mis en danger la saison agricole, épaississant le spectre de la famine.
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