Une pluie de réactions, y compris à l'international, ont salué l'homme d'Etat et une décision d'apaisement dans un pays qui a connu début juin ses pires troubles depuis des années. L'opposition a nuancé ce concert de louanges, soulignant le rôle de toutes les vies "sacrifiées" dans des manifestations pour la défense de la démocratie, et réclamant désormais "des élections inclusives".
"Mes chers compatriotes, ma décision longuement et mûrement réfléchie est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024", a déclaré Macky Sall lundi soir dans une adresse à la nation, mettant fin à un suspense de longs mois.
Lire aussi : Sénégal : le président Macky Sall ne sera pas candidat en 2024Le flou entretenu par le président Sall sur ses intentions par rapport à ce scrutin, et la condamnation à deux ans de prison de l'un de ses principaux opposants, Ousmane Sonko, avaient contribué à rendre la situation explosive.
La condamnation de l'opposant dans une affaire de mœurs, qui le rend en l'état actuel inéligible, a engendré début juin de graves troubles, faisant 16 morts selon les autorités, 24 selon Amnesty international et 30 selon l'opposition. L'opposant avait appelé dimanche soir à la mobilisation, quelle que soit l'issue du discours pour mener "le combat définitif".
Pour M. Sonko, l'objectif principal de Macky Sall est de l'écarter de la course à la présidence.
"Modèle démocratique"
Moussa Faki, président de la Commission de l'Union africaine, salue "une décision sage et salutaire". "J'exprime mon admiration au grand homme d'Etat qu'il est d'avoir privilégié l'intérêt supérieur du Sénégal et de préserver ainsi le modèle démocratique sénégalais qui fait la fierté de l'Afrique", a-t-il déclaré.
Le chef de d'Etat bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo, président en exercice de l'organisation des Etats ouest-africains "salue avec fierté sa décision courageuse de grand Homme d'Etat", a-t-il dit sur ses réseaux sociaux.
Le président nigérien Mohamed Bazoum "formule le vœu que cette décision mûrement réfléchie apaise définitivement le climat politique dans ce pays frère".
Paris a aussi salué sa décision en jugeant que "le Sénégal démontre à nouveau la solidité de sa longue tradition démocratique", selon un communiqué du ministère français des Affaires étrangères.
Au Sénégal, le président fait la Une de tous les journaux. "Macky, quelle grandeur!", "Macky sort par la grande porte", "Macky au panthéon des grands hommes"... titrent entre autres les quotidiens.
"J'ai un sentiment de soulagement, de fierté parce que l'évolution de la démocratie sénégalaise a pris du cran... Les perspectives sont bonnes", estimait à Dakar Hassame Drabo, un cadre d'entreprise.
"Son discours change beaucoup de choses. Le Sénégal est devenu stable et gouvernable. Je suis satisfait à 200%", déclare de son côté Issa Camara, qui travaille dans le secteur maritime.
"Sacrifices"
Pour Alioune Tine, figure de la société civile et ardent opposant à un troisième mandat, c'est "une délivrance". Macky Sall "sort par la grande porte avec un grand discours". Abdoul Mbaye, ancien Premier ministre, fait part d'"une grande émotion" et d'un discours qui lui permet "de retrouver une grande partie du Macky Sall" d'avril 2012. Des opposants ont nuancé ces réactions de fierté.
"Je félicite la jeunesse sénégalaise, la diaspora et tous les démocrates sénégalais. Car si le président Macky a accepté de jeter l'éponge (...) c'est parce qu'il y a eu des Sénégalais qui se sont érigés contre", a pour sa part réagi Aminata Touré, ex-Première ministre qui a rejoint l'opposition.
L'opposant Khalifa Sall a salué "une belle décision", pensé à tous les morts dans des manifestations depuis 2021, une cinquantaine, "des sacrifices qui n'ont pas été vains" et plaidé pour "une élection inclusive".
Le porte-parole de M. Sonko a simplement tweeté "Focus 2024" avec le portrait de son leader.
M. Sonko, qui jouit d'une grande popularité auprès de la jeunesse, n'a cessé de crier au complot du pouvoir - qui le réfute - pour l'éliminer politiquement. Il est bloqué par les forces de sécurité chez lui à Dakar, "séquestré" selon lui, depuis le 28 mai.