"J'aime Uber plus que tout au monde et, dans cette période difficile de ma vie personnelle, j'ai accepté la demande des investisseurs de me retirer pour qu'Uber recommence à se développer plutôt que d'être parasité" par les difficultés, a déclaré M. Kalanick, 40 ans.
Il continuera à siéger au conseil d'administration de cette société non cotée mais valorisée à environ 70 milliards de dollars.
Son départ est le fruit d'une intrigue de palais, selon le quotidien américain New York Times, qui affirme que c'est un groupe d'investisseurs de la première heure d'Uber qui l'ont exigé et obtenu en quelques heures seulement au moment où M. Kalanick était à Chicago, à des milliers de kilomètres de la Silicon Valley.
"Il y aura beaucoup de pages dans les livres d'histoire dédiées à @travisk - très peu d'entrepreneurs ont eu un tel impact sur le monde", écrit sur son compte twitter Bill Gurley, un de ces influents investisseurs.
Son fonds d'investissement Benchmark Capital et quatre autres (First Round Capital, Lowercase Capital, Menlo Ventures et Fidelity Investments) sont à l'origine de ce "putsch". Ils détiennent 25% du capital et près de 40% des droits de vote.
"Travis a toujours fait passer Uber avant le reste", a réagi le conseil d'administration, ajoutant toutefois que son départ allait donner à l'entreprise "l'opportunité pour embrasser complètement ce nouveau chapitre de l'histoire d'Uber".
Le changement d'ère intervient après plusieurs mois de polémiques et d'interrogations, ayant fait d'Uber le symbole des dysfonctionnements au sein des géants de la Silicon Valley, souvent critiqués pour leurs méthodes jugées "brutales" et pour l'absence de diversité parmi les dirigeants.
Des salariés d'Uber se sont plaints de harcèlement, de sexisme, de discrimination et d'intimidations. Le groupe a licencié récemment une vingtaine d'employés, après avoir examiné plus de 200 réclamations internes.
Successeur?
M. Kalanick et son bras droit Emil Michael étaient personnellement accusés d'avoir encouragé des pratiques déplacées et brutales dans l'entreprise. S'en est suivie une série de démissions et de départs de responsables hiérarchiques.
Le cabinet mandaté à la suite de la démission d'une ingénieure affirmant avoir été victime de harcèlement sexuel, a incité la semaine dernière Uber à "revoir" les responsabilités de son patron. Il recommandait aussi que le groupe "reformule ses valeurs et sa culture d'entreprise" et nomme un administrateur indépendant au sein de son conseil d'administration.
A la suite de ce rapport, M. Kalanick, qui a fondé en 2009 le service de location de voitures avec chauffeur au succès fulgurant, avait annoncé son retrait momentané de ses fonctions. Ce départ pour des "raisons personnelles" --le décès accidentel de sa mère-- n'était alors censé qu'être provisoire.
Uber est également soupçonné de vols de technologie dans le cadre de poursuites par une filiale de Google, Waymo, spécialisée dans les voitures autonomes.
Travis Kalanick parti, s'ouvre désormais la délicate question de l'identité de son successeur, d'autant qu'il a bâti le groupe à son image et qu'il en contrôle encore le capital. Aucun nom ne circule pour l'instant.
Uber, qui a incarné pendant des années le bouleversement déclenché par l'arrivée des services de conducteurs face aux taxis, est en outre confronté à une concurrence accrue, notamment du groupe Lyft qui ne manque pas de profiter des déboires d'Uber pour développer une image d'entreprise modèle.
Ses revenus sont en croissance mais le groupe a affiché une perte de 708 millions de dollars au premier trimestre, après un "trou" de 2,8 milliards de dollars l'an dernier.
Les investisseurs, qui ont injecté plus d'une dizaine de milliards de dollars depuis sa création, veulent éviter que sa réputation sulfureuse contrevienne à une éventuelle entrée en Bourse, qui leur permettrait de récolter les fruits de leurs investissements, selon des experts.
Avec AFP