Sur 200 pages, les démocrates du Sénat américain détaillent la "menace" Poutine

Le Congrès, où aura lieu l'investiture de Donald Trump à Washington DC, le 18 janvier 2017. (VOA/Nastasia Peteuil)

Vladimir Poutine représente une menace grave contre les Etats-Unis et Donald Trump fait la sourde oreille: telle est la conclusion d'un rapport inédit publié mercredi par les démocrates de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain.

Ce document de 206 pages, rédigé principalement à partir d'informations publiques et de presse, inscrit dans les archives du Congrès américain la position des démocrates selon laquelle le 45e président du pays reste passif face aux attaques informatiques, de propagande ou autres de ce qu'ils appellent le "régime corrompu de M. Poutine".

"Jamais dans l'histoire américaine un président des Etats-Unis n'a été aussi indifférent face à une menace aussi évidente contre notre sécurité nationale", écrit Ben Cardin, le chef de la minorité démocrate au sein de la commission des Affaires étrangères, en préambule.

Le rapport, intitulé "Les attaques asymétriques de Poutine contre la démocratie en Russie et en Europe: implications pour la sécurité nationale américaine", revient longuement sur le parcours et les méthodes de Vladimir Poutine, l'accusant lui et son régime de corruption et de blanchiment d'argent, de propagande, de liens avec le crime organisé et d'avoir commandité des assassinats politiques. Des chapitres décrivent les tentatives d'ingérences russes dans diverses élections en Europe, et des recommandations sont formulées.

Un même refrain traverse le document: à la différence des Etats-Unis, les autres démocraties visées par les opérations de désinformation et de piratage attribuées à Moscou, de la Finlande à l'Espagne, ont réagi avec fermeté.

"La France et son nouveau président, Emmanuel Macron (...) se sont exprimés fermement contre les ingérences du gouvernement russe et ont joué un rôle de premier plan en Europe pour résister aux interventions du Kremlin", notent aussi les élus.

A l'inverse, selon eux, "le gouvernement américain n'a toujours pas d'approche cohérente, globale et coordonnée face aux opérations d'influence néfaste du Kremlin". La raison: "le manque de leadership présidentiel"... et un "président Trump négligent".

Par exemple, un centre anti-propagande du département d'Etat, créé par une loi du Congrès en 2016, reste en sommeil.

'Protéger le président'

Ces critiques expliquent que le rapport ait été rédigé sans la participation des membres républicains de la commission.

Car la discorde enfle au Congrès sur la question russe.

Si la majorité républicaine reste viscéralement hostile à M. Poutine, elle est soucieuse de ne pas inutilement provoquer Donald Trump, qui continue de minimiser les ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016... et de dénoncer comme "bidon" l'idée d'une collusion entre sa campagne et Moscou.

"La Russie et le monde rient de la stupidité qu'ils observent. Les républicains devraient enfin prendre le contrôle !", a-t-il encore tweeté mercredi.

Les chefs du Congrès préfèrent s'en remettre aux enquêtes parlementaires menées depuis environ un an, notamment celle de la commission du Renseignement, dont les conclusions sont attendues dans les prochaines semaines.

Ces enquêtes sont "bipartisanes", c'est-à-dire conduites conjointement par les équipes républicaines et démocrates.

Mais à l'approche du début des primaires législatives, ce printemps et cet été, les démocrates commencent à s'alarmer de la lenteur des travaux, persuadés que la Russie tentera à nouveau d'influencer les votes.

Ils ont pointé que cela faisait environ un an que les services de renseignement, dans les derniers jours de l'administration Obama, avaient officiellement accusé la Russie d'avoir voulu favoriser l'élection de Donald Trump.

"Cela fait un an, et rien n'a été fait pour empêcher la Russie de recommencer", a dénoncé Eliot Engel, élu de la Chambre des représentants.

"Pour une raison ou une autre, ils protègent le président", a tonné la chef de l'opposition de la Chambre, Nancy Pelosi. "Nous ne demandons que les faits, afin de pouvoir protéger nos élections".

Avec AFP