La peur au ventre des habitants de la Ghouta, Damas désertée

Une rue dans la ville de Hamouria tenue par les rebelles suite à une attaque aérienne du régime dans la région de la Ghouta orientale assiégée à la périphérie de la capitale Damas, le 21 février 2018.

Depuis plusieurs jours, les habitants de la Ghouta orientale, enclave rebelle près de la capitale syrienne, vivent dans la terreur, cloitrés dans des sous-sols et des abris, mais non loin de là, dans le Vieux Damas, les rues sont aussi désertes.

Si l'enclave rebelle subit un déluge de feu, la peur s'est également emparée d'une partie de la population damascène en raison des frappes de représailles des insurgés.

"Il y une vraie crainte que le régime entre (dans la Ghouta), d'autant que nous n'avons aucune porte de sortie (...) Désormais, il nous reste plus que ces caves" pour nous abriter, affirme Abou Mohamad Al-Afa, un habitant de la localité de Douma, dans la Ghouta orientale.

"La peur est aussi présente dans ces abris" où s'entassent des dizaines de personnes, ajoute cet homme âgé de 39 ans. "La peur est immense", insiste-t-il.

"On n'ose pas sortir des abris, la situation est très, très dramatique (...) Les avions sont au-dessus de nous et les explosions autour de nous (...) Où allons-nous partir avec nos enfants ?", renchérit Khadija, 53 ans, qui a aussi trouvé refuge dans un sous-sol.

- 'Dans des cimetières' -

Si la Ghouta orientale, un ancien verger de Damas acquis à la rébellion en 2012, a subi plusieurs épisodes de bombardements intensifs, le régime syrien et son allié russe semblent aujourd'hui plus que jamais déterminés à y mater les groupes rebelles.

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Certains habitants craignent une offensive similaire à celle menée fin 2016 à Alep (nord), durant laquelle plusieurs centaines de civils avaient été tués et blessés, et les groupes rebelles expulsés, entraînant une reprise par le régime de la deuxième ville du pays.

"Nous nous cachons dans des cimetières. C'est comme creuser sa tombe avant de mourir", lance Amal al-Wouhaibi, une habitante de Douma.

"Peut-être que ce serait mieux finalement qu'ils entrent" dans la Ghouta, ajoute cette femme âgée de 35 ans, en référence aux troupes du régime.

Usés par des années de siège, certains habitants sont désormais prêts à n'importe quelle solution pourvu que leur situation prenne fin, affirme Oum Mohamed, une enseignante.

"Certains habitants disent qu'ils ne voient pas d'inconvénient à ce que le régime entre dans la Ghouta, l'essentiel pour eux est que leur fils ou leur époux soit en sécurité, qu'ils puissent enfin vivre en sécurité", dit-elle.

Mais d'autres préfèrent se battre jusqu'au bout. "Ils affirment qu'on n'a pas combattu durant sept ans pour finalement céder notre terre et envoyer nos enfants et nos vieux à l'abattoir", ajoute l'enseignante, vêtu d'un manteau noir, un voile sur la tête.

- Obus 'jours et nuits' -

Le régime a intensifié depuis dimanche ses frappes contre cette dernière poche de résistance près de Damas, qu'il assiège depuis 2013. Au moins 310 civils, dont plus de 40 enfants, y ont été tués en quatre jours.

Plusieurs instances internationales ont condamné la campagne du régime contre la Ghouta, en vain.

A quelques kilomètres de Douma, l'heure est aussi à la peur, alors que les roquettes en provenance de la Ghouta s'abattent quotidiennement par dizaines sur Damas, notamment sur le vieux quartier de la ville.

Mardi, 13 civils ont péri dans ces frappes rebelles, poussant de nombreux Damascènes à rester chez eux, tandis que plusieurs écoles ont fermé.

"On veut que l'armée nous sauve de cette situation, quelque soit le moyen (...) Nous n'en pouvons plus de ces obus qui s'abattent sur nous jours et nuits", lance Ibrahim, un habitant du quartier de Bab Charki.

"Nous n'osons plus envoyer nos enfants à l'école. La peur règne désormais en maître", ajoute l'homme âgé de 51 ans.

Avec les informations sur une offensive imminente du régime contre la Ghouta orientale, plusieurs habitants de Damas ont confié à l'AFP se préparer à quitter la ville, par peur de plus grandes représailles des rebelles.

Karim a ainsi décidé de se réfugier avec sa famille dans son village natal situé sur le littoral, "jusqu'au retour du calme".

La rue de Bab Touma dans le vieux quartier de Damas --dont les cafés et les restaurants sont d'habitude bondés--, est, quand à elle, déserte depuis plusieurs jours. Seuls quelques noctambules prennent encore le risque de s'y aventurer.

Avec AFP