A Nouakchott, la capitale mauritanienne, siège du secrétariat du G5 Sahel, les présidents de ces pays, parmi les plus pauvres du monde, vont présenter 40 projets couvrant la période 2019-2021 devant bailleurs de fonds et partenaires internationaux, dont l'Union européenne et la France - représentée par son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
Lire aussi : Sécurité et développement: le G5 Sahel en appelle aux bailleurs de fonds"Les Etats membres ont sécurisé 13% de l'objectif de la levée de fonds", a indiqué dans une tribune publiée à quelques jours de la conférence, le président en exercice du G5 Sahel, le Nigérien Mahamadou Issoufou.
"Partout où c'est possible, il faut accroître au plus vite l'accès aux services de l'Etat lorsqu'ils sont insuffisants", a-t-il dit.
"La sécurité avait pris le dessus sur le développement au sein du G5 Sahel", relève une source diplomatique française, en référence à la force conjointe antijihadiste créée en 2017 par l'organisation. "Avec cette conférence, il montre sa volonté de remettre le développement au centre."
Les zones reculées, délaissées ou abandonnées par le pouvoir central, sont au coeur des préoccupations, notamment dans les secteurs frontaliers.
Lire aussi : La force du G5 Sahel fait mieux que la Minusma avec moins de moyens selon le président mauritanienEn construisant des écoles, des centres de soins ou en offrant un accès à l'eau, les gouvernements espèrent fidéliser des populations déshéritées susceptibles de céder sinon aux sirènes jihadistes.
"Un des vecteurs principaux de la radicalisation, c'est le sentiment d'injustice et de marginalisation. Si on veut stabiliser des zones, il faut pouvoir les développer", souligne-t-on de source diplomatique.
Mais dans un rapport publié mercredi, Action Contre la Faim, Oxfam et Save The Children pointent les risques du "lien entre sécurité et développement" qui "est au coeur de la nouvelle approche prônée dans le Sahel par les Etats et les bailleurs de fonds, notamment l'Union européenne et la France".
Selon ces trois ONG, "il est inquiétant de voir que la réponse se focalise sur le développement économique sans prendre autant en compte les griefs légitimes de la population autour des problèmes de gouvernance, d'inégalités, de distribution des richesses et de justice de genre".
- "Climat de confiance" -
De plus, le poids croissant des dépenses militaires des pays concernés pourrait les amener à considérer "que c'est aux partenaires techniques et financiers d'assumer les dépenses sociales et de développement", une "déresponsabilisation" qui risquerait "d'aggraver la crise de confiance existante entre les citoyens de zones marginalisées économiquement et les Etats du Sahel", selon le rapport.
Les groupes jihadistes, en grande partie chassés du nord du Mali par l'intervention militaire lancée par la France en 2013, ont depuis regagné du terrain, en particulier dans le centre du pays, et le phénomène s'étend au Burkina Faso et au Niger voisins, se mêlant souvent à des conflits intercommunautaires.
Cette dégradation de la situation a conduit le G5 Sahel à réactiver en 2017 son projet de force conjointe. En plus d'un an et demi, cette force a mené une dizaine d'opérations avec l'appui direct de l'opération française Barkhane, sans réel impact sur le terrain, où elle n'a pas encore croisé le fer avec les jihadistes.
La pauvreté et les changements climatiques qui réduisent l'accès aux ressources naturelles alimentent aussi les tensions intercommunautaires. Les forces armées sont par ailleurs régulièrement accusées d'exactions.
"Il reste d'importants progrès à faire pour protéger les civils et instaurer un climat de confiance entre forces de sécurité et de défense et populations", concède Mahamadou Issoufou.
Dans ce contexte, le G5 Sahel a défini un "programme de développement d'urgence" axé sur trois priorités, l'hydraulique, la gestion des conflits intercommunautaires et la sécurité intérieure.
L'accent est mis sur le nord du Burkina Faso, le centre du Mali, la région des Hodh en Mauritanie ainsi que celles de Tillabéri au Niger et Kanem au Tchad.
Les interventions à financement modeste (moins de 500.000 euros) vont cohabiter avec des projets d'infrastructures (jusqu'à 100 millions d'euros), visant l'accélération de l'intégration régionale.
La question du financement pérenne de la force conjointe, qui peine à devenir pleinement opérationnelle malgré des engagements de quelque 420 millions d'euros, sera très probablement abordée de façon informelle entre les chefs d'Etat du G5 Sahel, selon des sources diplomatiques.
Avec AFP