Au Sénégal, la société civile et l'opposition maintiennent la pression

De nombreux politiques ont dit leur intention d'être présent à la manifestation de mardi qui s'annonce comme un rendez-vous crucial.

La société civile et l'opposition sénégalaises ont maintenu la pression sur le président Sall lundi à la veille d'une marche annoncée contre le report de la présidentielle, qui met le pays en émoi. Macky Sall cherche, lui, à extraire le pays d'une des plus graves crises de son histoire.

Des médias ont fait état de pourparlers pour renouer les fils du dialogue avec l'opposition, y compris l'antisystème Ousmane Sonko, qui a livré au pouvoir un bras de fer de plus de deux ans avant d'être emprisonné en 2023.

Lire aussi : Les chefs de la diplomatie français et sénégalais ont "une compréhension commune" de la crise sénégalaise

Certains médias ont évoqué la possibilité d'une amnistie dont pourraient bénéficier M. Sonko, mais aussi son second Bassirou Diomaye Faye, également détenu depuis 2023, et les personnes mises en prison lors des troubles de mars 2021 et juin 2023. Ni la présidence, ni le gouvernement n'ont répondu aux interrogations de l'AFP à ce sujet.

Le collectif Aar Sunu Election ("Protégeons notre élection"), qui revendique une quarantaine de groupes citoyens et religieux et d'organisations professionnelles, a appelé à une marche mardi après-midi à Dakar. De nombreux politiques ont dit leur intention d'être à cette manifestation qui s'annonce comme un rendez-vous crucial.

De nombreux sénégalais ont essayé vendredi de répondre à un autre appel diffusé sur les réseaux sociaux. Les forces de sécurité ont réprimé les rassemblements. Trois personnes ont été tuées. Les autorités n'ont donné aucun signe jusqu'alors d'autoriser la marche de mardi. Le Sénégal est en proie à une ample contestation depuis que le président Sall a annoncé le report de la présidentielle le 3 février, à trois semaines de l'échéance.

Lire aussi : Deux jeunes tués, le Sénégal s'enfonce dans la crise

Ses partisans à l'Assemblée nationale et ceux de Karim Wade, candidat disqualifié, ont ensuite entériné le renvoi de l'élection au 15 décembre et le maintien du président Sall à son poste jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, a priori donc début 2025. Ce changement de dernière minute, exceptionnel dans un pays vanté pour sa stabilité et ses pratiques démocratiques, a soulevé les cris de "coup d'Etat constitutionnel".

L'opposition soupçonne le camp présidentiel de s'arranger avec le calendrier parce qu'il est sûr de la défaite de son candidat, le Premier ministre Amadou Ba, désigné par M. Sall pour lui succéder. Elle suspecte une manœuvre pour que le président Sall, dont le mandat expirait officiellement le 2 avril, reste au pouvoir, même si celui-ci répète qu'il ne se représentera pas.

Méfiance

Les huit universités publiques du Sénégal ont entamé lundi pour deux jours une grève très suivie par les enseignants pour protester contre la mort d'un étudiant dans le contexte des troubles de vendredi à Saint-Louis (nord), a appris l'AFP lundi auprès du principal syndicat de l'enseignement supérieur. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, des universitaires "exigent le rétablissement immédiat du calendrier électoral" et le respect des droits humains.

M. Sall a justifié le report par les querelles suscitées par l'homologation de vingt candidatures par le Conseil constitutionnel et la disqualification de dizaines d'autres. Il a dit vouloir une élection incontestable, s'inquiétant du risque de nouveaux accès de violence après ceux de 2021 et 2023. Il a affirmé sa volonté "d'apaisement et de réconciliation" et a proposé un dialogue au reste de la classe politique.

Cette tentative de main tendue soulève une multitude de questions, en particulier sur son acceptation par l'opposition et sur le sort fait aux opposants Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye. Leur parti a jusqu'alors rejeté l'offre de dialogue. Or la détente paraît presque impossible sans libérer les deux hommes et sans permettre à M. Sonko de concourir à la présidentielle, disent différents experts.

Amadou Ba, mandataire de M. Faye, a exprimé sur les réseaux sociaux sa défiance devant une éventuelle loi d'amnistie qui, selon certains médias, pourrait être discutée mercredi en conseil des ministres. "Une loi d'amnistie est une simple loi ordinaire (qui) peut être facilement répudiée par une nouvelle Assemblée nationale", a-t-il dit.

La mission déployée par l'Union européenne depuis janvier pour observer la présidentielle a décidé de faire rentrer la plupart de ses observateurs "au vu de l’incertitude du calendrier électoral", a-t-elle indiqué dans un communiqué.