Tension et émotion aux procès de victimes de la révolution en Tunisie

Les familles de victimes de la révolution tunisienne assistent à un procès au palais de justice de la ville de Kasserine, au centre de la Tunisie, le 13 juillet 2018.

Pour la première fois, la justice transitionnelle en Tunisie a ouvert deux procès pour juger les responsables présumés de la mort de plusieurs manifestants lors de la révolution qui a abouti à la chute de la dictature.

Dans une petite salle du tribunal de première instance de Sidi Bouzid, la ville du centre-ouest défavorisé d'où partit le soulèvement populaire après l'immolation par le feu d'un vendeur ambulant, les familles des victimes et des représentants de la société civile se sont pressés avec émotion pour suivre les débats.

Quelque 338 Tunisiens ont été tués et 2.174 blessés durant le soulèvement populaire qui lança le Printemps arabe entre fin 2010 et début 2011, dont la majorité à Tunis et dans le centre-ouest du pays, selon un bilan officiel.

Plus de six ans après les faits les juges spécialisés vont devoir se prononcer sur la culpabilité de onze personnes (dont le président déchu Zine El Abidine Ben Ali, son ex-ministre de l'Intérieur et des membres de la Garde nationale) pour la mort d'un ingénieur informatique et d'un étudiant tués par balles après avoir manifesté contre le pouvoir le 24 décembre 2010 dans la ville de Menzel Bouzayane, à 60 km de Sidi Bouzid.

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Ils sont également accusés d'être responsables pour les blessures de quatre autres manifestants et doivent répondre d'"homicide volontaire avec préméditation" et de "tentative d'homicide volontaire avec préméditation".

Aucun des accusés n'était présent à l'audience, a constaté une journaliste de l'AFP, à la grande déception des proches des victimes.

La tension est montée au fur et à mesure que le début de l'audience était repoussé. Celle-ci a finalement débuté avec deux heures de retard, "un très mauvais signe", selon un proche d'une des victimes.

"Fidèles aux martyrs", ont crié des membres du public indignés à l'entrée des juges dans la salle.

Chawki Hidri, ingénieur en informatique, était décédé à l'âge de 43 ans, huit jours après avoir été blessé par balles au niveau de la colonne vertébrale et de l'épaule lors de ces affrontements.

Mohamed Amari, un étudiant de 25 ans avait perdu la vie après avoir été touché par deux balles à la poitrine.

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Un autre procès visant les responsables présumés de la mort de 20 manifestants lors de la révolution s'est aussi ouvert vendredi à Kasserine, ville voisine de Sidi Bouzid, dans le centre-ouest marginalisé de la Tunisie. Les proches ont brandi des photos des victimes dans la salle d'audience.

Ces procès sont les premiers concernant des victimes de la révolution instruits par l'instance Vérité dignité (IVD) chargée de rendre justice aux victimes de la dictature en Tunisie.

Jusqu'ici, la justice spécialisée n'avait jugé que des affaires concernant la mort sous la torture d'opposants islamistes et de gauche sous les dictatures.

Avec AFP