Togo: climat tendu à l'approche des législatives du 20 décembre, l'ONU s'inquiète

Des Togolaises protestent contre le pouvoir dans les rues de Lomé, au Togo, le 20 janvier 2018.

La tension monte au Togo secoué par des manifestations de l'opposition qui finissent dans le sang à l'approche des législatives du 20 décembre après plus d'un an de grave crise politique, suscitant l'inquiétude de la communauté internationale.

Depuis mi-2017, ce petit pays pauvre d'Afrique de l'ouest est le théâtre de manifestations massives ayant pour mot d'ordre la démission du président Faure Gnassingbé qui a succédé en 2005 à son père à la tête du Togo pendant 38 ans. Et alors que le scrutin se précise, les violences se répètent.

Au moins quatre personnes ont été tuées lors de manifestations hostiles au régime samedi et lundi derniers à Lomé et dans d'autres villes du pays (quatre morts selon les autorités, six selon l'opposition).

La principale coalition de l'opposition, qui boycotte ces législatives, avait appelé à manifester pendant une dizaine de jours, du 8 au 18 décembre, pour exiger l'arrêt du processus électoral: elle dénonce des "irrégularités", réclame davantage de transparence et des réformes constitutionnelles pour permettre la limitation des mandats présidentiels.

Dans ce climat délétère, après les responsables religieux du pays, l'ONU, l'Union européenne et les ambassades des Etats-Unis, de France et d'Allemagne ont reconnu jeudi "suivre avec préoccupation les derniers développements de la situation au Togo".

Dans un communiqué conjoint, elles "regrettent les décès enregistrés et les violences", et "soulignent encore une fois la nécessité de préserver un climat de paix".

Les évêques, les églises évangéliques, presbytériennes et méthodistes, ainsi que les "cadres musulmans" du Togo avaient appelé ces dernières semaines au report des élections, le temps d'"approfondir le dialogue" entre les deux camps.

Mais le gouvernement s'est montré clair: il n'entend pas céder à la pression de la rue.

"Le processus électoral est irréversible et le scrutin se tiendra bel et bien le 20 décembre 2018", a martelé mercredi soir le ministre de la Fonction publique Gilbert Bawara lors d'une interview accordée à l'AFP et des médias locaux.

"Le processus est suivi de près par les dirigeants des pays membres de la Cédéao", Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest. "Les missions d'observation seront déployées sur le terrain cette semaine, y compris la mission d'observation de la Cédéao et la mission d'observation de l'Union africaine (UA)", a-t-il dit.

M. Bawara a dénoncé "la logique de violence et d'affrontement" de "certains leaders politiques", qu'il accuse d'inciter "ouvertement aux agressions et aux attaques contre les forces de l'ordre".

'Enquêtes approfondies'

Ces manifestations avaient d'ailleurs été interdites par le gouvernement, évoquant le "risque très élevé de troubles graves à l'ordre public" pendant la campagne électorale qui a démarré le 4 décembre.

Amnesty International - qui confirme un bilan d'au moins quatre morts dont trois par balles et de nombreux blessés ces derniers jours - affirme disposer de preuves vidéos prouvant qu'un enfant de 12 ans a reçu une balle dans la tête.

L'ONG a réclamé au gouvernement "des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales" sur ces violences afin que "tous les responsables soient traduits en justice".

"Les autorités togolaises continuent d'alimenter la violence en déployant des militaires armés sur des sites de protestation, ce qui risque d'exacerber une situation déjà tendue", a affirmé la directrice d'Amnesty pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, Evelyne Petrus Barry.

"Alors que les pressions s'intensifient à l'approche des élections, nous exhortons les autorités à respecter le droit de réunion pacifique et à prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces affrontements ne fassent plus de victimes", a-t-elle ajouté.

Un dialogue entamé en début d'année sous l'égide de la Cédéao - alors présidée par M. Gnassingbé - avait piétiné pendant des mois, jusqu'à l'annonce par le gouvernement togolais de réformes constitutionnelles.

Mais l'opposition, dont Jean-Pierre Fabre est le chef de file, dénonce depuis lors un "piège", les réformes voulues par le pouvoir prévoyant une limitation non rétroactive à deux du nombre de mandats présidentiels - ce qui permettrait à Gnassingbé de se représenter en 2020 et 2025.

Avec AFP