Le Togo, où les deux-tiers des habitants vivent de l'agriculture de subsistance et plus de la moitié vit avec moins d'un dollar par jour, est en proie à une grave crise politique depuis septembre.
>> Lire aussi : Pénurie de carburant au Togo
"Ceux qui nous dirigent depuis des décennies ont échoué et ils doivent le reconnaître. Il est maintenant temps qu'ils quittent, raison pour laquelle je ne rate plus les manifestations de l'opposition. Je suis toujours dans la rue avec la coalition", affirme ce jeune de 28 ans, diplômé en informatique de gestion.
Une référence à la coalition de 14 partis de l'opposition qui se mobilisent depuis septembre, organisant des manifestations quasi hebdomadaires qui ont réuni des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes.
Your browser doesn’t support HTML5
Les participants demandent notamment le départ du président Faure Gnassingbé, à la tête du Togo depuis 2005, après avoir succédé à son père, le général Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé sans partage le pays pendant 38 ans.
Le chômage touche la jeunesse de plein fouet. Certains économistes togolais estiment qu'il atteint 29% de la population active, dont une majorité de jeunes. Alors Yaovi Ewonvo, comme beaucoup d'autres jeunes du quartier, se prépare pour la prochaine marche, prévue le samedi 13 janvier.
"Je suis confiant que le régime va tomber un jour, nous sommes déjà sur le bon chemin. Car nous souffrons trop dans ce pays. La bataille doit se poursuivre", lance ainsi Cossi Adjévi, 27 ans, couturier reconverti dans la vente de carburant à Bè.
"J'ai fermé mon atelier depuis 4 ans, faute de clients. Je me suis finalement lancé dans la vente du +boudè+ (essence frelatée) au bord de la route et la police nous traque tous les jours".
A plusieurs reprises, les rassemblements ont dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre. Des impacts en sont encore visibles à Bè: pavés détruits, traces de pneus brûlés sur le goudron...
- 'La lutte jusqu'au bout' -
La plupart des jeunes manifestants du quartier sont des partisans de l'Alliance nationale pour le changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre, chef de file de l'opposition.
Comme celui-ci, ils nourrissent peu d'espoir envers les discussions ouvertes entre le pouvoir et l'opposition.
"Nous voulons en finir avec ce régime cinquantenaire, car trop c'est trop. Le dialogue dont on nous parle depuis plusieurs semaines ne nous intéresse pas, car les discussions ne donneront rien", renchérit Elise Vianou, 23 ans, étudiante en gestion dans une université privée de Lomé.
Pour Edem, arrêté lors des manifestations du 7 septembre, puis relâché quelques jours plus tard, "ce dialogue est un marché de dupe".
"Pour moi, plus question de dialoguer: c'est la lutte jusqu'au bout", martèle ce conducteur de taxi-moto, vêtu d'un tee-shirt noir, sur lequel on peut lire: "Togo Debout".
Annoncé depuis début novembre par le gouvernement, le dialogue peine à démarrer. L'opposition exige des "mesures d'apaisement", notamment la libération de manifestants toujours détenus et le retrait des forces de sécurité du nord du pays, avant le début des discussions.
Jean Eklu, président des jeunes de l'ANC, confirme le désespoir d'une partie de la jeunesse, entre chômage et petits boulots, qui nourrit l'opposition au pouvoir en place.
"Les jeunes ne croient plus en ce régime parce qu'ils sont fatigués. Faites le tour de Bè, et vous verrez la plupart des jeunes livrés à eux-mêmes. C'est le chômage ambiant. Ils sont vendeurs d'essence frelatée ou conducteurs de taxi-moto... D'autres jeunes passent toute leur journée à jouer aux jeux", déplore-t-il.
Avec AFP