Un match de baseball Cuba-Etats-Unis plus politique que sportif

L'équipe nationale de baseball cubaine s'apprête à jouer mardi à La Havane son match le plus important et probablement le plus stressant en présence du président américain Barack Obama, et peut-être même de son homologue Raul Castro.

Cette rencontre amicale entre les Cubains et la prestigieuse équipe des Tampa Bay Rays, de la Ligue majeure de baseball (MLB), offrira un cocktail unique de sport de haut niveau, de diplomatie et peut-être même d'affaires.

Pour Barack Obama, ce match couronnera sa visite de trois jours, la première en 88 ans d'un président américain dans l'île communiste.

Les autorités cubaines ont remodelé le Stade latino-américain de La Havane en prévision de cette partie, qui montrera mieux que n'importe quelle initiative diplomatique que les Américains et les Cubains ont beaucoup en commun.

Car si presque toute l'Amérique latine se passionne pour le football, Cuba et plusieurs îles des Caraïbes ont depuis longtemps suivi l'exemple des Etats-Unis, en adoptant le baseball, sport de prédilection des Américains dans lequel les Cubains excellent.

D'après la légende, Fidel Castro aurait tenté une carrière professionnelle dans les années 40 aux Etats-Unis, et même si l'histoire était fausse, l'ancien président n'en est pas moins un fervent amateur de "pelota", comme on l'appelle dans l'île.

L'enjeu de cette rencontre particulière dépasse de loin le score final.

Le match "va être un peu différent", reconnaît le légendaire batteur cubain Omar Linares, aujourd'hui âgé de 47 ans.

"Un président américain sera présent, mais même s'il ne venait pas, la tension serait la même parce que quand il s'agit de la Ligue majeure, on parle du meilleur baseball mondial", poursuit Omar Linares, membre de l'équipe technique de la sélection nationale.

Séparer baseball et politique

En 1999, l'équipe nationale cubaine avait rencontré les Baltimore Orioles à deux occasions, à La Havane puis à Baltimore (nord-est des Etats-Unis).

Il s'agissait des premières rencontres amicales depuis la prise du pouvoir par les castristes à Cuba en 1959. Chaque équipe avait remporté son match à domicile, un résultat parfaitement diplomatique.

Une autre vedette du baseball cubain, Orestes Kindelan qui conseille en ce moment l'équipe nationale, espère que le match Cuba-Tampa Bay dissipera les doutes sur l'avenir du baseball cubain, resté captif des rapports politiques tumultueux entre l'île et les Etats-Unis.

En dépit de l'amour que portent les deux pays à ce sport, le régime castriste limite strictement les déplacements de ses joueurs à l'étranger, tandis que les équipes américaines se voient interdire de recruter des joueurs à Cuba.

Plusieurs joueurs cubains de baseball de haut niveau n'en ont pas moins fui pendant des décennies leur pays à la recherche d'une nouvelle vie aux Etats-Unis et de contrats lucratifs au sein des franchises de la Ligue majeure.

Le processus est compliqué: en raison de l'embargo commercial imposé par Washington à Cuba, ils doivent d'abord se rendre dans un pays tiers avant de pouvoir devenir des agents libres pouvant être recrutés aux Etats-Unis.

Rien qu'en 2015, plus de 100 joueurs cubains ont fait le voyage, une fuite des talents qui a fortement affaibli les équipes de l'île.

Le régime cubain s'efforce de dissuader les "déserteurs" en les empêchant temporairement de revenir à Cuba et les privant d'équipe nationale, mais sans grand succès.

Dans le cadre du rapprochement entre les anciens ennemis de la guerre froide, les équipes cubaines et américaines ont entamé des pourparlers visant à formaliser le processus de recrutement. De nombreux Cubains espèrent que la rencontre amicale de mardi va donner un nouvel élan aux tractations.

"C'est bien, il semble que l'ouverture est en marche", a déclaré cette semaine Higinio Velez, président de la Fédération cubaine de Baseball, à l'issue d'une visite de journalistes au Stade latinoaméricain.

"Il faut que ça se fasse maintenant pour que les Cubains puissent jouer en Ligue majeure sans devoir quitter le pays à bord d'un radeau", a-t-il exhorté.

"Le moment est venu de franchir le pas", estime de son côté Orestes Kindelan, "afin que les joueurs puissent aller et venir et jouer sans rencontrer de problèmes, indépendamment de la politique".

Avec AFP