Des pêcheurs tunisiens veulent bloquer l'arrivée d'un navire de militants anti-migrants

Des Egyptiens fuient la Libye à bord 'un bateau dans la ville portuaire de Zarzis, en Tunisie, le 2 mars 2011.

Des pêcheurs tunisiens ont promis dimanche de bloquer l'éventuel accostage d'un bateau affrété par des militants européens d'extrême droite dans le port de Zarzis, dans le sud-est de la Tunisie.

Des pêcheurs tunisiens ont promis dimanche de bloquer l'éventuel accostage d'un bateau affrété par des militants européens d'extrême droite dans le port de Zarzis, dans le sud-est du pays.

Le C-Star, navire de 40 mètres loué par le groupe d'extrême droite "Génération identitaire" et qui veut repousser les embarcations de migrants vers l'Afrique, a croisé samedi dans les eaux libyennes, où des dizaines de milliers de migrants voulant gagner l'Europe à bord d'embarcations de fortune, envoyées en mer par les passeurs, ont été secourus ces dernières années.

Il poursuivait dimanche sa route au large de la Tunisie.

En cas d'approche du navire vers le port de Zarzis, "nous allons fermer le canal qui sert au ravitaillement. C'est la moindre des choses vu ce qui se passe en Méditerranée, la mort de musulmans et d'Africains" en mer, a toutefois indiqué à l'AFP le président de l'Association des marins pêcheurs, Chamseddine Bourassine.

"Comment? Nous, laisser entrer des racistes ici? Jamais", a de son côté dit à l'AFP un responsable du port de Zarzis sous couvert de l'anonymat.

Vendredi, l'ONG Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) s'est dite opposée à ce que le C-Star "accoste dans les ports tunisiens" et a appelé "le gouvernement à ne pas coopérer avec son équipage raciste et dangereux".

Coup de publicité dangereux

Le C-Star et sa mission "Défendons l'Europe" ont été financés grâce à une campagne participative lancée par des militants anti-immigration français, allemands et italiens. Le bateau avait d'abord été retenu pendant une semaine dans le canal de Suez, par les autorités égyptiennes à la recherche d'armes.

Il avait ensuite accosté dans le port chypriote turc de Famagouste, où le commandant et les membres de l'équipage avaient été interpellés, soupçonnés de faux et usage de faux, selon le quotidien chypriote Kibris Postasi, avant d'être relâchés.

Plusieurs personnes de l'équipage étranger à bord avaient alors déposé une demande d'asile en Europe, d'après Kibris Postasi - exactement ce que la mission "Défendons l'Europe" tente pourtant d'éviter.

Le navire avait finalement quitté Chypre le 1er août et mis directement le cap sur la Libye, abandonnant l'idée d'effectuer toute escale en Grèce et en Sicile, où les autorités se montraient inquiètes d'éventuelles manifestations.

Sur son site internet, le groupe de militants d'extrême droite accuse les ONG de "faire passer clandestinement des centaines de milliers de migrants illégaux en Europe" et promet de "faire quelque chose pour s'y opposer". Leur initiative a été dénoncée par les organisations humanitaires comme un coup de publicité potentiellement dangereux.

Samedi, le bateau a suivi parfois à seulement quelques centaines de mètres le navire Aquarius, affrété par les ONG françaises SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), au large des côtes libyennes.

L'un des militants identitaires français, Clément Galant, a posté sur Twitter le 1er août une vidéo tournée depuis le C-Star, expliquant que le bateau reconduirait vers les côtes africaines toutes les embarcations de migrants qu'il rencontrerait.

Forcer un bateau croisant dans les eaux internationales à gagner la Libye serait illégal, selon le droit maritime international.

Les navires affrétés par les ONG ont aidé environ un tiers des quelque 100.000 personnes secourues cette année au large de la Libye et convoyées vers l'Italie, selon les garde-côtes du pays.

La Marine libyenne a indiqué dimanche à l'AFP que ses gardes-côtes, qui ont reçu de l'Italie des équipements et des formateurs, avaient intercepté depuis jeudi six embarcations de passeurs transportant un total de 1.015 personnes.

Dimanche, l'Aquarius et MSF ont participé au sauvetage d'une centaine de personnes à bord d'un canot pneumatique, alors que certains reprochent aux ONG de faciliter le travail des passeurs en garantissant un passage en toute sécurité vers l'Europe.

L'Italie a averti jeudi les ONG secourant les migrants en Méditerranée centrale qu'elles ne pourraient pas poursuivre leur mission si elles ne se conformaient pas à un "code de conduite" élaboré par Rome.

L'Italie avait saisi la veille le bateau d'une ONG allemande, le "Iuventa", dont l'équipage est soupçonné d'avoir adopté des "comportements favorisant l'immigration illégale".

Avec AFP