Un Portugais nommé à la tête de l'agence de l'ONU pour les migrations

Antonio Vitorino à La Haye, le 18 septembre 2004.

C'est une première en 50 ans : l'agence de l'ONU pour les migrations ne sera pas dirigée par un Américain. Le Portugais Antonio Vitorino, proche du chef de l'ONU Antonio Guterres, a été élu vendredi à la tête de l'organisation, évinçant le candidat controversé de Donald Trump.

Le poste de directeur de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence comptant 172 Etats membres et dont les Etats-Unis sont l'un des principaux contributeurs avec les Européens, a été occupé depuis la création de l'institution en 1951 par un Américain, avec une seule exception de 1961 à 1969 avec le Néerlandais Bastiaan Haveman.


Cette fois, le candidat de Washington, Ken Isaacs, n'a pas réussi à remporter les suffrages nécessaires. Pire encore, il a été le premier candidat a être éliminé. Accusé d'être climato-sceptique alors que de nombreuses migrations sont liées à des facteurs climatiques, les propos polémiques de cet ancien vice-président de l'ONG humanitaire chrétienne Samaritan's Purse (Bourse du Samaritain) ont également terni son image.

D'autant que sur l'épineux dossier des migrations, l'administration Trump fait justement l'objet de vives critiques de l'ONU, pour son interdiction permanente d'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de six pays, pour la plupart à majorité musulmane, et pour sa récente décision de séparation des enfants de migrants entrés illégalement sur le territoire américain. Une politique désormais abandonnée après un déluge de critiques.

C'est donc Antonio Vitorino, 61 ans, qui a été élu par acclamation, la Costa-Ricaine Laura Thompson, actuelle directrice adjointe de l'OIM, ayant décidé de retirer sa candidature après 4 tour de scrutin.

La victoire du candidat européen intervient alors que les pays de l'Union européenne ont conclu vendredi, après neuf heures de discussions, un accord sur le traitement des migrations qui propose une "nouvelle approche" avec la création de "plateformes de débarquements" de migrants en dehors de l'UE pour dissuader les traversées de la Méditerranée.

- "Le meilleur" -

Homme politique et avocat d'affaires, M. Vitorino, est entré au Parti socialiste portugais au moment de la Révolution des Oeillets de 1974, alors qu'il n'avait pas encore 18 ans. Elu député pour la première fois en 1980, il a été secrétaire d'Etat sous Mario Soares (1983-1985) puis ministre du gouvernement dirigé par Antonio Guterres (1995-1997).

M. Vitorino est "un homme de bon conseil" et "le meilleur de notre génération", a dit un jour M. Guterres.

En 1997, il a démissionné du poste de ministre de la Défense lorqu'un journal l'a mis en cause dans une affaire d'impôt foncier non payé.

Fils d'un employé de banque et d'une professeure de français, il se décrit lui-même comme "un linguiste frustré" et un hypocondriaque, mais se dit fier d'avoir toujours fait lui-même ses courses au supermarché, "même en tant que ministre ou commissaire à Bruxelles".

Elu au Parlement européen en 1994, M. Vitorino a surtout été marqué par son passage au poste de commissaire européen à la Justice et à l'Intérieur, entre 1999 et 2004. Souvent cité comme un potentiel candidat au poste de Premier ministre ou de président de la République, il ne s'est jamais plus réellement investi dans la vie politique nationale.

Décrit comme un homme d'une grande intelligence, peu enclin à l'affrontement direct, il ne s'est pas pour autant éloigné des sphères du pouvoir, car il reste un des influents avocats du pays.

- Représailles ? -

Le nouveau patron de l'OIM succèdera le 1er octobre à l'Américain William Lacy Swing, qui a effectué deux mandats de 5 ans à la tête de l'OIM.

La victoire du Portugais constitue un échec pour les Etats-Unis, mais certains se demandent déjà si Trump ne va pas riposter en réduisant les financements américains à l'organisation.

Choisi début février, M. Isaacs, a eu lui fort à faire ces derniers mois après que le Washington Post a publié une série de commentaires antimusulmans, postés entre 2015 et 2017 mais retirés depuis, sur les réseaux sociaux.

Dans des tweets, Ken Isaacs affirmait par exemple que le Coran "ordonne" aux musulmans de commettre des actes de violence et suggérait que les réfugiés chrétiens devraient avoir la priorité sur eux, exprimant des doutes sur le fait que l'islam soit une religion de paix.

M. Isaacs a exprimé ses "regrets" pour ces commentaires "imprudents" et le Département d'Etat a jugé "approprié" qu'il présente ses excuses.

Avec AFP.